Editorial

Le chômage augmente et le gouvernement facilite la tâche aux licencieurs !

Après avoir annoncé un projet de loi sur les restructurations qui, entre autres, autorisait les entreprises à licencier "pour raison de compétitivité" même si leurs profits étaient florissants, Raffarin a annoncé qu'il retirait cela de son projet. De la part du gouvernement, c'est devenu une méthode: il annonce une série de mesures antiouvrières puis, devant les réactions, il en abandonne une ou deux. Mais restent les autres.

Cette fois, il reste qu'à un travailleur qui refuse une baisse de salaire, une déqualification ou une mutation, son patron pourra dire: "C'est ça ou la porte." Cela se passe déjà comme cela aujourd'hui mais, dans l'avenir, le patron n'aura même pas besoin de parler, c'est la loi qui parlera pour lui.

Ce projet de loi est destiné à faciliter les licenciements en allégeant encore le peu d'obstacles administratifs qui n'ont en fait jamais empêché un patron de licencier mais qui rendaient la procédure un peu plus longue. Cette préoccupation du gouvernement est d'autant plus choquante sur le fond que le chômage s'aggrave et que les licenciements se multiplient.

Le Medef fait mine de se fâcher contre le gouvernement parce qu'il n'a pas obtempéré au doigt et à l'oeil à ses exigences, comme envers un serviteur qui n'a pas fait à 100% son travail. Pour le patronat, les gouvernements sont là pour traduire en mesures légales et appliquer ce qui va dans le sens des intérêts du grand patronat, tous les gouvernements.

A-t-on vu, au cours des trente dernières années, un seul gouvernement interdire un plan de licenciements, alors que le chômage s'est littéralement envolé? A-t-on vu un seul gouvernement contraindre une grande entreprise qui dégageait du profit à utiliser ne serait-ce qu'une partie de ce profit pour maintenir les emplois, quitte à répartir le travail entre tous? Non, on n'a pas vu cela une seule fois!

Entre les intérêts des grandes entreprises, c'est-à-dire ceux de leurs patrons et de leurs grands actionnaires, et les intérêts de l'ensemble de la société, aucun gouvernement n'a jamais hésité: c'est toujours les intérêts du grand patronat qui passent avant.

Tout ce qu'on peut en conclure, c'est qu'il ne faut pas compter sur un gouvernement, quel qu'il soit, pour protéger les travailleurs contre les licenciements et la société contre le chômage. Dans un contexte de montée du chômage, l'interdiction des licenciements collectifs est pourtant une exigence qui correspond aux intérêts de l'écrasante majorité de la société. Mais seules les luttes collectives pourront l'imposer.

Devant l'abandon par Raffarin d'une petite partie de son projet de réforme antiouvrière, il s'est trouvé des centrales syndicales pour "s'en féliciter" ou pour "s'en réjouir". Ainsi donc, il y a des syndicats pour qui, si le gouvernement promet dix coups de fouet et, finalement, n'en donne que neuf, c'est un bienfait pour les travailleurs. Autant dire que ce n'est pas sur ce genre de politique ni sur ces dirigeants syndicaux que les travailleurs peuvent compter pour préparer leurs luttes futures. Les chefs syndicaux capables de tenir ce langage ne sont pas les défenseurs des travailleurs face au patronat, mais des porte-parole du patronat parmi les travailleurs. Quand ils réduisent leurs exigences à la seule "négociation", ils annoncent clairement au grand patronat et au gouvernement: "Faites toutes les saloperies que vous voulez vis-à-vis des travailleurs, du moment que vous nous conviez à les contresigner..."

Avec le contreseing de certains chefs syndicalistes ou sans cela, le gouvernement pourra sans doute faire passer son projet de loi, comme il en a déjà fait passer bien d'autres. Mais s'il le fait, il ne l'emportera pas au paradis car, lorsque le mécontentement ouvrier explosera, ce n'est certainement pas un article de loi qui l'arrêtera!

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 18 octobre 2004

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