La CGT et le référendum : Atermoiements de la direction, mauvaise cible de l'extrême gauche21/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1890.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

La CGT et le référendum : Atermoiements de la direction, mauvaise cible de l'extrême gauche

La bataille s'étend dans la CGT (comme dans d'autres syndicats d'ailleurs). Des militants du PCF, de la Ligue communiste révolutionnaire ou du Parti des travailleurs, dont les organisations sont d'ores et déjà en campagne pour le "non", ont décidé de faire de celui-ci leur cheval de bataille contre la direction confédérale. Et dans les assemblées générales comme dans les congrès, les syndicats sont invités à adopter des motions en ce sens.

La confédération, après s'être abstenue lors du vote à la Confédération européenne des syndicats (CES) -"comme d'autres syndicats" ainsi que Bernard Thibault l'a souligné dans une interview au Monde du 16 octobre, et redit sur France Inter le 18- dit vouloir "privilégier une phase d'information". Un comité confédéral national devrait trancher en février. "Rien ne permet de préjuger ce que sera notre position", affirme-t-il dans la même interview. Y aura-t-il même une consigne de vote? Pas évident: "Nous connaissons par l'expérience, notamment sur des consultations politiques, les limites d'une consigne de vote. Il est tout à fait concevable que des adhérents partageant les mêmes objectifs fassent des choix différents sur un vote de cette nature".

Aujourd'hui, face aux attaques du gouvernement et des patrons sur l'emploi ou les salaires, le référendum semble en effet un objectif bien dérisoire. Tout le monde sait bien que ces attaques ont commencé bien avant tout projet de référendum ou de constitution européenne et qu'elle continueront que celle-ci soit rejetée ou acceptée.

Mais quels sont donc les objectifs que Bernard Thibault propose à la CGT, et qui correspondraient eux aux problèmes de l'heure?

On a beau chercher, on n'en voit qu'un: une participation aux multiples négociations autour des projets gouvernementaux que la CGT elle-même dénonce pourtant comme inspirés sinon dictés par le Medef. Ainsi quand Raffarin avance un projet crapuleux qui a pour but de faciliter encore les licenciements et alors qu'il n'en a retiré que les articles les plus choquants mais maintenu l'essentiel, que propose le secrétaire général de la CGT? La mobilisation? Non, une nouvelle négociation: "Je ne peux pas croire que sur un sujet aussi fondamental que l'emploi, le gouvernement procède à la hussarde (...). C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que, dès cette semaine, nous ayons une réunion tripartite de clarification pour connaître quelles sont véritablement les bases sur lesquelles il a l'intention de saisir l'Assemblée nationale." Il avait pourtant déclaré au Parisien "Dans tous les cas de figure, la CGT fera face si le gouvernement nous met au défi". Que lui faut-il de plus en matière de défi? De quelle clarification supplémentaire a-t-il besoin pour se persuader qu'il s'agit d'un nouveau mauvais coup contre les salariés?

Dans ce contexte, les atermoiements de la confédération sur le référendum ont une signification bien politique, même quand ils se cachent derrière le prétexte que le syndicat n'a pas forcément à s'engager directement dans la bataille politique.

Il y a peut-être en partie le souci de ménager la CES, laquelle est en majorité pour le "oui". Mais ce qui détermine bien plus sûrement la direction de la CGT, c'est sa volonté de se recentrer dans le paysage politique justement: accentuer sa distance d'avec le PCF, entretenir des rapports plus étroits avec le Parti socialiste, qui pourrait revenir au pouvoir et avec lequel elle a déjà largement collaboré sous le gouvernement Jospin (or le PS n'a pas encore choisi entre le "oui" et le "non"...), surtout mener dès aujourd'hui avec le gouvernement en place la politique de collaboration si bien entamée. En fait les dirigeants de la CGT voudraient être les interlocuteurs privilégiés de tous les pouvoirs, quelle qu'en soit l'étiquette politique. Leurs raisons sont les mêmes que celles qui ont poussé avant eux ceux de la CFDT qui, après s'être liée au Parti socialiste et avoir opté pour la gauche au gouvernement, est aujourd'hui le principal interlocuteur syndical de la droite.

Pourtant ceux qui actuellement dans la CGT ferraillent pour que le syndicat se prononce pour le "non" se trompent de cible. Certes ils mettent en lumière l'hypocrite apolitisme des dirigeants. Mais la CGT va peut-être finir par se prononcer pour le "non"... sans que ça change d'un iota sa politique, sans que ça donne le moindre objectif valable aux militants comme aux travailleurs. Qu'est-ce que ceux-ci y auront gagné? Ainsi FO est pour le "non", la CFDT pour le "oui". Et alors? Si demain la CGT fait à son tour du référendum son objectif principal ce sera encore une façon d'évacuer les vrais problèmes de la classe ouvrière, à savoir la défense de ses conditions de vie, de travail, d'emploi et de salaire.

S'il y a des objectifs que les communistes révolutionnaires ont à mettre en avant auprès des syndicalistes, de la CGT comme des autres organisations du mouvement ouvrier, c'est ceux qui pourraient préparer et faciliter la riposte à des attaques qui n'ont aucunement besoin d'une constitution encore virtuelle, mais sont l'oeuvre d'un patronat bien réel.

Louis GUILBERT

Convergences Révolutionnaires n° 35 (septembre-octobre 2004) - bimestriel publié par la Fraction
Dossier: Défendre les services publics? Pourquoi? Comment?
Articles: Le seul référendum à préparer: dans la lutte, la rue, la grève - La cohésion sociale façon Peugeot-Citroën - Où en sont les intermittents du spectacle? - Belgique, Allemagne: l'offensive anti-ouvrière à l'échelle de l'Europe - Venezuela: après le succès de Chavez au référendum.
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