Irak : Des remous parmi les soldats américains21/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1890.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : Des remous parmi les soldats américains

On avait déjà entendu parler des AWOL (absents sans autorisation), ces soldats permissionnaires américains revenant d'Irak qui s'abstenaient de se présenter à l'appel, à la fin de leur permission. Tout en leur donnant la chasse, les autorités niaient obstinément leur existence. Jusqu'au jour où l'un d'entre eux, ayant passé clandestinement la frontière canadienne, devint l'une des chevilles ouvrières du mouvement anti-guerre dans ce pays et contribua à faire connaître les conditions d'existence lamentables imposées aux troupes américaines et les pratiques parfois criminelles de la hiérarchie sur le terrain.

Le 13 octobre, ce sont ces conditions qui ont conduit à un refus d'obéissance collectif de la part d'un détachement de la 343e compagnie du génie, constitué de 19 réservistes tous originaires du sud-est des États-Unis. Est-ce le premier événement de ce type depuis le début de la guerre? On peut en douter. Mais c'est en tout cas la première fois que l'information a réussi à franchir le black-out imposé par les médias et les autorités militaires -pas grâce à celles-ci, mais parce que l'un des membres du détachement a réussi à contacter sa femme, qui a pu obtenir la publication de l'information par le journal où elle travaillait à Jackson (Mississipi).

Le détachement avait reçu l'ordre de livrer du fuel à la base américaine de Taji, au nord de Bagdad, en suivant une route où elle était certaine d'être la cible d'une embuscade. Or il n'y avait ni blindés légers ni hélicoptères disponibles (la protection normale d'une telle mission). Les camions-citernes étaient tellement usés qu'on craignait qu'ils tombent en panne en cours de route et le commandement de la base avait eu le culot d'avancer leur départ, pour être sûr que leurs camions échappent à la révision quotidienne des véhicules et à une immobilisation certaine. Les 19 soldats décidèrent alors de refuser ce qu'ils considéraient, à juste titre de toute évidence, comme une mission-suicide. Ce qui leur valut l'arrestation immédiate et la mise au secret.

Le mécontentement dans les rangs des troupes américaines n'est certes pas un secret. De nombreux vétérans de la première guerre du Golfe, celle de 1991, ont pris l'initiative de créer des associations pour exprimer leur opposition à la guerre, en donnant une tribune permettant aux soldats envoyés en Irak de dénoncer les conditions de vie là-bas. Et quand à cela s'ajoute les copains qui tombent, sans savoir d'où viennent les balles, dans une guerre qui n'en finit pas, et dans laquelle la population qu'on était censé "libérer" se révèle être du côté de l' "ennemi", il y a de quoi semer la colère et la révolte dans les rangs des GIs.

De tels sentiments, on en a déjà vu se développer dans l'armée américaine à l'époque de la guerre du Vietnam, et surtout au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lorsque des dizaines de milliers de soldats américains manifestaient aux Philippines et que des régiments entiers de l'armée anglaise se mettaient en grève aux Indes et en Egypte, pour obtenir leur démobilisation. Si cette ignoble guerre se poursuit en Irak, peut-être verra-t-on renaître et s'exprimer de tels sentiments, à une échelle telle que les dirigeants américains en viennent à craindre pour la fiabilité de leur propre armée. En tout cas, c'est ce que l'on peut souhaiter, pour les soldats occidentaux qu'on envoie à la mort pour défendre les intérêts des trusts, bien sûr, mais aussi et surtout pour la population irakienne.

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