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Israël-Palestine : Vers une fausse évacuation de Gaza?

Après l'éviction le 4 juin dernier de deux ministres d'extrême droite hostiles au projet de désengagement de la bande de Gaza, le gouvernement israélien a approuvé 48 heures plus tard un projet nettement amendé qui ne prévoit même plus le démantèlement effectif des colonies israéliennes dans ce territoire. Ce projet à la discussion duquel ne sont pas associés les Palestiniens, pourtant les premiers concernés, ouvre simplement une période de «préparation» qui devrait théoriquement s'achever dans moins d'un an, en mars 2005.

Derrière ce vague, bien des retournements peuvent encore s'opérer et bien des changements survenir, jusqu'à un possible départ de l'actuel gouvernement. C'est dire que la déclaration faite sur un ton d'évidence et qui affirme: «Le gouvernement a décidé aujourd'hui qu'à la fin de l'année 2005 (neuf mois supplémentaires de gagnés entre deux communiqués) Israël aura quitté Gaza» n'a rien d'une certitude. D'ailleurs les Palestiniens ne s'y trompent pas, qui n'attendent rien des gouvernants israéliens car ils ont appris à se méfier de leurs paroles et à ne juger que leurs actes.

Ce n'est pas la première fois que l'évacuation de Gaza est envisagée par un gouvernement. Shamir, un autre Premier ministre de droite, en avait déjà parlé sans que rien ait été fait en ce domaine. Mais de toute façon, même si un désengagement de Gaza se réalisait, ce serait un geste non gratuit qui permettrait au gouvernement israélien de gagner plus par ailleurs.

La méthode n'est pas nouvelle. Ben Gourion avait déjà abandonné 22% de la Palestine mandataire pour s'emparer des 78% restants, au lieu des 55% qu'allouait l'ONU. Béguin avait abandonné l'ensemble du Sinaï pour se concentrer sur la Cisjordanie. Sharon serait paraît-il prêt à abandonner la bande de Gaza et 45% de la Cisjordanie pour en annexer les 55% restants, ce qu'il a commencé à faire en érigeant son mur de séparation.

Et encore, à terme, la décision serait d'évacuer «presque» toute la bande de Gaza. «Presque», parce que Sharon voudrait garder trois colonies situées le long de la ligne verte de 1967. C'est là encore une méthode typique des gouvernants israéliens. Quand après pas mal de temps et beaucoup de tapage ils évacuent quelques territoires, ils gardent toujours un petit morceau. Quand ils ont évacué la vaste zone du Sinaï, ils ont refusé un temps de quitter la petite station balnéaire de Taba. Quand ils ont quitté le Liban, ils ont gardé une zone de sécurité. Quand ils ont quitté la zone de sécurité, après quelques centaines de morts supplémentaires, ils ont gardé le secteur dit des fermes de Shebaa où des combats ont toujours lieu. Et maintenant, quand Sharon dit vouloir évacuer Gaza, il veut garder trois petites colonies...

Une telle politique serait-elle l'apanage de la droite? Du tout! Les travaillistes au gouvernement ont mené la même politique; et encore aujourd'hui ils sont prêts à recommencer, ne serait-ce qu'en soutenant Sharon si ce dernier perd ses soutiens à l'extrême droite. Haïm Ramon, un des principaux dirigeants du Parti Travailliste qui fut ministre sous les gouvernements de Rabin, Pérès et Barak, vient de se dire prêt à «entamer des négociations en vue de l'entrée de mon parti au gouvernement». Et cette déclaration fait suite à bien d'autres du même type.

Avec de tels gouvernants, les populations palestinienne et israélienne ne sont pas près de parvenir à une coexistence fraternelle qui serait pourtant dans l'intérêt des deux peuples.

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