États-Unis : À Reagan, l'impérialisme reconnaissant...09/06/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/06/une1871.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : À Reagan, l'impérialisme reconnaissant...

La disparition de Ronald Reagan, président des États-Unis de 1981 à 1989, survenue alors que l'actuel président Bush paradait avec ses homologues d'un peu partout sur les plages du débarquement de juin 1944, a donné lieu à un concert de louanges à son adresse. Bush a annoncé des obsèques nationales, Blair, Schröder et autres y sont allés de leurs qualificatifs enthousiastes, et Chirac a célébré un «grand homme d'État».

On nous a ressorti les vieux clichés, dont celui de l'ex-cow-boy des films de série B qui aurait incarné «l'Amérique profonde». Ce n'est qu'une partie de la vérité. Parvenu à la tête du syndicat des acteurs en 1947, et alors proche du Parti Démocrate, Reagan prit une telle part à la chasse aux communistes (ou supposés tels) menée par le sénateur McCarthy que les studios de la Metro Goldwyn Mayer le recrutèrent comme conseiller en épuration. Peu après, il fit merveille, dit-on, comme animateur grassement rémunéré d'une émission hebdomadaire pour le compte de General Electric vantant la «libre entreprise» et s'en prenant à ses «ennemis». Après avoir été pressenti pour être candidat du Parti Démocrate à la Chambre des Représentants, c'est finalement comme Républicain qu'il se fit élire gouverneur de Californie, avant de succéder à Carter en tant que 40e président des États-Unis en 1981.

Prendre aux pauvres pour donner aux riches

Dès son installation, Reagan annonça un plan de réduction fiscale. Sous prétexte de relancer l'investissement, il réduisit fortement les impôts des entreprises et des personnes physiques, dont les riches furent seuls bénéficiaires. Comme cela creusait le déficit du budget, il argua alors de la situation qu'il avait lui-même créée pour «réduire les dépenses de l'État»... et sabra dans les dépenses sociales.

Sans-emploi en reconversion, handicapés et familles dépendant de l'aide alimentaire furent parmi ses premières victimes. Il transféra aux États de l'Union la responsabilité de l'aide sociale et en profita pour réduire fortement sa dotation fédérale. En 1980, 40% des chômeurs étaient encore indemnisés; ils n'étaient plus que 29% en 1984 car, entre-temps, près de deux millions d'entre eux avaient été privés de toute aide. Quant à ceux qui en percevaient encore, ils virent celles-ci être taxées en totalité.

Dès son élection, Reagan décida aussi de s'en prendre au mouvement ouvrier organisé. Une grève avait éclaté en août 1981 parmi les contrôleurs aériens. Intervenant aussitôt à la télévision, Reagan la déclara illégale et donna deux jours aux grévistes pour reprendre le travail. Ils furent licenciés en masse et remplacés, un temps, par des militaires. Dans les mines de cuivre, des milliers de mineurs furent licenciés, le gouverneur de l'Arizona envoyant, avec l'approbation de Reagan, la Garde nationale, ses tanks et des hélicoptères investir les localités en grève. Les directions syndicales ne réagirent pas, ou alors de façon symbolique. Pire, dans tous les secteurs, elles se servirent de ces exemples pour affirmer, après Reagan et le patronat, que «la grève ne marche pas» et en profitèrent, dans les négociations salariales, pour conclure partout des contrats plus défavorables aux travailleurs que les précédents. Les salaires réels des ouvriers continuèrent à baisser: ils perdirent 15% de leur pouvoir d'achat de 1973 à 1987. La production se redressa un peu mais avec moins de travailleurs employés, tandis que le chômage explosait (on totalisa 15 millions de chômeurs en 1987). Et alors que les «homeless» (sans-abri) et les «working poors» (pauvres ayant un emploi) se rencontraient désormais dans tout le pays, les journaux soulignaient l'explosion de la vente des voitures et habitations de grand luxe, car, crise ou pas, la bourgeoisie américaine restait bien décidée à accroître ses profits, et Reagan à l'y aider.

Dépenses d'armement et politique guerrière

Pour cela, il usa largement du budget militaire. En dénonçant dès 1983 ce qu'il appelait «l'empire du Mal» (l'Union soviétique), Reagan jouait gagnant sur tous les tableaux.

D'une part, il donnait des gages aux secteurs les plus réactionnaires de la société américaine (les mêmes auxquels il destinait ses mesures restreignant le droit à l'avortement et ses promesses de faire enseigner aux élèves les fadaises bibliques sur la création divine du monde, ce que l'on a appelé la «révolution conservatrice» ). En même temps, cela lui servait de justification pour lancer des programmes d'armement, dont celui dit de «la guerre des étoiles». Ceux-ci allaient, en cinq ans, déverser pas moins de 500 milliards de dollars dans les caisses des plus grandes entreprises du pays (IBM, General Motors, Honeywell, Ford, Chrysler, AT&T, etc.) et fournir de nouveaux prétextes, car ces subventions accroissaient le déficit public, à la poursuite des coupes claires dans les dépenses sociales.

Cela allait, aussi, servir à la politique extérieure de l'impérialisme américain en maintes occasions. Il alla montrer ses muscles au Proche-Orient en bombardant la Libye du colonel Khadafi et en envoyant des GI au Liban. Il soutint ses compagnies pétrolières, d'abord en armant l'Irak de Saddam Hussein contre l'Iran de Khomeyni, puis en vendant des armes en secret à l'Iran (le fameux scandale de «l'Irangate»), entretenant une guerre de huit années qui fit un million de morts. C'est encore Reagan qui mena des guerres dans son arrière-cour d'Amérique latine menacée par «la contagion castriste», directement en envahissant la petite île de Grenade ou indirectement en équipant, armant et subventionnant les «contras» au Nicaragua. Au Cambodge, il arma les Khmers Rouges que venaient de chasser les Vietnamiens alliés aux Soviétiques. En Afghanistan, les dirigeants américains saisirent une occasion d'affaiblir l'URSS qui pataugeait dans ce bourbier sanglant rappelant, à dix ans d'intervalle, ce que les USA avaient subi au Vietnam: ils armèrent donc la guérilla afghane, tout particulièrement ses secteurs les plus réactionnaires et les plus anticommunistes, qui allaient devenir les talibans de sinistre mémoire.

Pendant sa présidence, Reagan a mené la guerre au service de sa bourgeoisie: à l'extérieur, partout où l'exigeaient ses intérêts, et à l'intérieur, contre la classe ouvrière et les plus pauvres. Il n'y a pas à chercher ailleurs les raisons de l'hommage que lui rendent les dirigeants américains et leurs homologues étrangers qui, tel Chirac, vantent son «engagement en faveur de la démocratie».

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