Au Parlement européen : Haïti, misère et responsabilité des puissances occidentales22/01/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/01/une1851.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Au Parlement européen : Haïti, misère et responsabilité des puissances occidentales

Le Parlement européen a examiné en urgence une proposition signée par tous les groupes politiques, de droite et de gauche, concernant la situation en Haïti et invitant "le gouvernement haïtien, l'opposition et la société civile à instaurer un dialogue constructif dans le cadre d'une conférence nationale en vue d'ouvrir la voie à des élections législatives".

Chantal Cauquil est à ce propos intervenue pour dire:

"La situation en Haïti est catastrophique en raison de la violence des bandes armées sur lesquelles s'appuie le régime mais, plus encore, en raison de l'immense misère de la majorité de sa population. Son chef d'État, Aristide, ne mérite certes pas la moindre sympathie, ne serait-ce que parce qu'il a trahi les espoirs que son peuple avait placés en lui.

Mais on ne peut qu'éprouver un immense dégoût lorsque les représentants politiques des grandes puissances, notamment la France et les États-Unis, qui ont une responsabilité écrasante dans le sort de Haïti, se posent en donneurs de leçons ou en moralisateurs. Car, enfin, si ce pays, qui était il y a deux siècles un des plus riches des Caraïbes, est devenu un des plus pauvres du monde, c'est bien parce qu'il n'a jamais cessé d'être pillé et parce que la France, ex-puissance coloniale, ne lui a jamais pardonné d'avoir conquis son indépendance par les armes et grâce à la révolte de ses esclaves. Pendant des décennies, Haïti devenu indépendant a subi, de la part de la France mais avec la complicité des États-Unis et de la Grande-Bretagne, un blocus pour imposer à ce pays le paiement d'un dédommagement au profit des anciens propriétaires d'esclaves chassés.

C'est certes par démagogie qu'Aristide réclame aujourd'hui le remboursement de cette somme colossale dont Haïti dut verser les échéances jusqu'au XXe siècle. Mais sa revendication repose sur une exigence historique légitime. Rendre cette somme volée qui pourrait permettre à ce pays de se doter d'infrastructures, de routes, d'adduction d'eau, d'un système de santé dont il est pratiquement dépourvu, serait un minimum.

Plus généralement, sortir de la misère ce petit pays à quelques encablures des riches États-Unis et permettre à sa population de gagner sa vie ne représenterait pour les grandes puissances qu'une somme dérisoire. Mais, au lieu d'aider Haïti, ces grandes puissances continuent à l'enfoncer en continuant à le piller, ne serait-ce qu'en payant dans les quelques entreprises françaises ou américaines installées dans ce pays des salaires scandaleusement bas et en rapportant aux États-Unis tous les profits réalisés sur le dos des travailleurs haïtiens au lieu de procéder à des investissements productifs.

C'est précisément par solidarité vis-à-vis du peuple haïtien que nous refusons de nous associer aux déclarations cyniques et hypocrites de ceux qui prétendent défendre ses libertés."

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