Retraites complémentaires : Menaces du patronat13/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1841.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Retraites complémentaires : Menaces du patronat

Mercredi 12 novembre les confédérations syndicales rencontraient les représentants du patronat pour ce que ce dernier appelait: "une ultime négociation". Le patronat, qui n'a pas reculé d'un pouce dans ses revendications, qui visent à faire baisser de façon dramatique le montant des pensions de retraites complémentaires, a vu le "front syndical" soi-disant "uni" revivre le même scénario qu'au printemps dernier: la CFDT, la CGC et la CFTC viennent de se déclarer prêtes à céder et à vendre les pensions de millions de salariés et retraités. Mais c'est bien la volonté de tous les syndicats, y compris de la CGT, de mener une "concertation" dans la discrétion la plus absolue... vis-à-vis des travailleurs et retraités, les victimes potentielles de ces marchandages, qui a permis de se retrouver dans cette situation.

L'offensive du patronat est tout sauf une surprise. Au nom de ce dernier Seillière avait clairement annoncé dès le mois de mars qu'il entendait remettre en cause à l'automne, lors des négociations avec les syndicats, le montant des retraites complémentaires et même à terme la possibilité de toucher une pension de retraite complémentaire avant 65 ans.

Les retraites complémentaires sont gérées paritairement par les syndicats et le patronat, les cotisations du secteur privé non-cadre étant gérées par l'ARRCO et celles des cadres et assimilés par l'AGIRC. Les pensions de retraites complémentaires représentent en moyenne 40% du montant total de la retraite, moins pour certains mais beaucoup plus pour d'autres (les plus hauts cadres) et sont une ressource vitale pour les retraités. Les caisses des salariés non-cadres sont largement bénéficiaires. Ce n'est pas le cas de celles des cadres, qui, en proportion, cotisent beaucoup moins pour la retraite que les autres salariés, alors qu'ils cotisent plus pour les complémentaires, leurs pensions à ce titre sont bien supérieures à celles des autres salariés. L'équilibre de la caisse des non-cadres est, elle, au moins assurée jusqu'en 2020, c'est dire.

Mais il n'empêche que le patronat veut baisser les droits des retraités et futurs retraités. Il veut d'abord faire financer largement la caisse des cadres par les cotisations des autres salariés et, pour cela, baisser leurs droits. Ensuite il veut, à terme, baisser les cotisations patronales en commençant par baisser le montant des pensions présentes et à venir. Ainsi les surplus de la caisse des salariés devraient augmenter et le patronat pourra alors déclarer qu'il faut "éponger les excédents"... en diminuant les cotisations. C'est ce qu'il a fait pour les cotisations chômage.

Enfin le patronat vise, toujours pour réduire ses cotisations, à amener l'âge officiel de la retraite à 65 ans. Pour cela il a un moyen simple: supprimer ses cotisations pour le fonds spécial mis en place par la gauche avec la loi autorisant la retraite à 60 ans, seul fonds qui assure le paiement des retraites complémentaires entre 60 et 65 ans. Seillière avait déjà voulu supprimer les cotisations patronales à ce fonds en 2001, mais avait reculé devant la riposte massive des salariés du privé, qui avait d'ailleurs surpris et inquiété les dirigeants syndicaux, adeptes du tapis vert. Aujourd'hui, grand prince, le patronat est prêt, à condition que les syndicats vendent les salariés sur le reste, à reconduire provisoirement pour cinq ans ce dispositif. En prime, il accepterait peut-être de financer les retraites complémentaires de quelques dizaines de milliers de salariés qui pourraient partir prochainement à la retraite avant 60 ans, ce qui serait une goutte d'eau face à l'ensemble.

Ceci s'ajoute aux dernières remises en cause des droits à la retraite. Au total, les revenus des futurs retraités risquent de baisser de plus de 40% dans les années à venir. Ce sont des millions de personnes qui sont menacées et leur droit à bénéficier d'un revenu décent durant leur retraite.

Aussi l'attentisme des syndicats qui se disent opposés à ces projets, et d'abord le plus puissant, la CGT, est irresponsable, voire criminel. Qu'on ne parle pas du "manque de réactions des travailleurs" alors qu'aucune campagne n'a été faite pour les informer de l'enjeu. Qu'on ne se réfugie pas non plus dans la découverte de la "trahison des autres syndicats", alors que leur alignement sur les demandes du patronat, et en premier la CFDT, était lui aussi écrit à l'avance. Cet attentisme est une faute, grave. La direction confédérale de la CGT cherche visiblement à apparaître, dans ce domaine comme dans d'autres, comme un syndicat "responsable", c'est-à-dire un partenaire raisonnable et acceptable par patronat et gouvernement.

Mais il n'y aucune raison que les travailleurs sacrifient leur vie à venir à des manoeuvres d'appareil soucieux d'abord de leur propre avenir. Rien n'est joué, et il faudra de toute façon que les travailleurs se mobilisent et se fassent entendre avec le plus de force possible à la première occasion qui leur sera donnée.

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