Tribune de la minorité

Forum Social européen : "Un autre monde est possible" ? Pas sans révolution sociale

Le Forum Social Européen (FSE), l'une des initiatives phares de l'altermondialisme, se tient donc à Paris, Saint-Denis, Bobigny et Ivry du 12 au 15 novembre.

En tant que mouvement contestataire, l'altermondialisme a gagné une audience non négligeable. Que des jeunes qui arrivent à l'âge militant, ou de plus vieux revenus de leur expérience avec une gauche réformiste qui a trahi leurs espoirs, remettent en question même de manière partielle le fonctionnement du capitalisme est en soi positif; qu'ils éprouvent même un certain enthousiasme à pouvoir débattre, a priori sans tabou, de toutes les injustices et oppressions de ce monde, aussi; de même qu'à pouvoir le faire dans un esprit fraternel avec de nombreux autres venus de tous les pays d'Europe et même du monde.

Pourtant il ne faut pas se cacher qu'il y a loin de la simple contestation (parfois de si bon aloi qu'une partie de la droite française y souscrit volontiers) à une véritable volonté de changer le monde, pour ne pas parler de révolution ou même de lutte de classe élémentaire.

Tous altermondialistes...

Les dirigeants du mouvement altermondialiste sont pour la plupart d'origine social-démocrate, stalinienne ou issus de la bureaucratie syndicale. Ils se présentent pour le moment comme fondateurs d'un mouvement qui ne se veut pas politique, échappant à tout dogmatisme. Mais cela ne veut pas dire que le Forum dédaigne les politiciens. Ses dirigeants ont d'ores et déjà tenu à établir (en fait plus précisément à maintenir) des liens étroits avec des élus de droite comme de gauche. Au-dessus ou à côté des partis, peut-être, mais si possible main dans la main avec les institutions.

Pour l'heure, les organisateurs du FSE sont très courtisés. Les dirigeants des partis de gauche et des centrales syndicales lorgnent tous vers ce mouvement dont ils espèrent une nouvelle crédibilité. Le Parti socialiste tâche d'y apparaître (avec plus ou moins de bonheur!) et François Hollande affirmait dans son dernier meeting que "l'altermondialisation, ce n'est pas l'extrême-gauche" sous-entendant que son parti serait le "débouché politique du mouvement". Le Parti communiste a fait de l'altermondialisme sa vitrine idéologique de rechange. La gauche gouvernementale verrait volontiers dans l'apolitisme associatif de l'altermondialisme une entreprise de blanchiment politique. Jusqu'à Jacques Chirac, selon le Journal du dimanche, qui s'y fait représenter, par Serge Lepeltier. Et à l'occasion du colloque de l'UMP du 4 novembre, Alain Juppé a déclaré lui aussi ne pas repousser le qualificatif d'altermondialiste!

Bref, nombre de politiciens espèrent pouvoir faire leur marché au sein de cette mouvance qui revendique son hétérogénéité.

Les militants d'extrême gauche, quant à eux, font donc preuve d'une candeur bien coupable quand ils prennent, ou feignent de prendre, pour argent comptant le prétendu apolitisme de la direction d'un tel mouvement. En ne le dénonçant pas ouvertement pour ce qu'il est -la feuille de vigne de vieux courants bien politiques... et bien faillis- mais au contraire en s'investissant à fond dans sa construction, comme le fait la LCR, ils acceptent de fait de contribuer à remettre en selle des idées qui ne sont pas celles du communisme révolutionnaire et des hommes qui en sont les ennemis.

Démocratie participative...à participation limitée ?

Cela ne veut pas dire que les militants révolutionnaires doivent se désintéresser d'un tel mouvement. Une attitude frileuse à son égard ne nous semble pas de mise. Même si nombre des manifestants altermondialistes sont défavorables aux partis politiques (y compris révolutionnaires) et au communisme (tel qu'ils se l'imaginent), les révolutionnaires restent solidaires de ceux de leurs combats contre les injustices et les oppressions, mais sans craindre dans le même temps de les affronter politiquement. Ne serait-ce que pour rétablir aux yeux de ces manifestants la vérité sur notre programme, et avoir l'occasion de débattre avec eux, justement, des idées révolutionnaires et de ce qui distinguent celles-ci de la démarche réformiste contestataire.

Pour l'heure, les organisateurs du FSE n'ont pas poussé la "démocratie participative" jusqu'à donner droit de cité aux organisations politiques, à commencer par les organisations révolutionnaires! Mais on sait qu'ils n'ont pas trop regardé à la couleur politique des notables invités. Nous verrons dans le déroulement de ce FSE si les participants font preuve du même dogmatisme "apolitique" que les organisateurs et dans quelle mesure les militants d'extrême gauche peuvent et veulent s'y exprimer vraiment.

Participer aux manifestations et même aux débats altermondialistes, d'accord, à condition de ne pas renier sa propre identité communiste révolutionnaire!

Robert PARIS

Convergences Révolutionnaires nE 30 (novembre-décembre 2003), bimestriel publié par la Fraction
Dossier: Gouvernement et patrons à l'assaut de la Sécurité sociale. Quelles médecines nous concoctent Raffarin, Mattei, les trusts pharmaceutiques et les assurances ? Quel jeu jouent les syndicats ?
Articles: LO-LCR au-delà des élections; voile à l'école et confusions à gauche et à l'extrême gauche; Belgique: les patrons licencient, les syndicats collaborent; Moyen- Orient: la guerre de Sharon aux Israéliens; Iran: quand l'Union Européenne courtise le régime des ayatollahs.
Pour se procurer ce numéro, 1,5 €, ou s'abonner (1an: 9 €; de soutien: 15 €) écrire à:LO, pour la Fraction, BP 233-75865 Paris Cedex 18Ou Les Amis de Convergences, BP 128-75921 Paris Cedex 19 - Sur le Net: http://www.convergencesrevolutionnaires.org

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