Dans le monde

Guadeloupe : Les patrons de la banane ont l'oreille des autorités

Les patrons de la banane de Guadeloupe, après de multiples protestations contre les pertes financières qu'ils disent subir, ont finalement obtenu satisfaction.

Depuis plusieurs semaines en effet, ces patrons multipliaient les formes de protestation: meetings sur les plantations, menace de fermeture et de mise au chômage de près de 10000 ouvriers agricoles, fermeture effective des plantations pendant plusieurs jours, arrêt de l'expédition de la banane, opération escargot, manifestation devant le siège de la CGM (Compagnie Générale Maritime) qui convoie les bananes vers l'Europe, opération charme dans les rues de Pointe-à-Pitre en distribuant gratuitement des bananes à la population. Les gros planteurs ont pu rassembler derrière eux des moyens planteurs et même des petits. Quant aux ouvriers agricoles, ils n'ont constitué qu'une petite minorité pour répondre à l'appel à l'union sacrée des "professionnels de la banane" lancé par les patrons.

Ces derniers dénoncent depuis quelque temps la baisse du prix de la banane sur le marché européen. Ils réclament qu'une partie du coût du fret soit pris en charge par l'État comme c'est le cas pour la banane des Canaries ou de Madère. Ils réclament aussi de l'Union européenne l'application de la "clause de Madère" qui permet l'octroi d'une dotation financière équivalant à 75% de la différence entre le prix de vente et le prix garanti. Les patrons de la banane prennent prétexte de la mévente de la banane antillaise sur le marché européen au profit de la "banane dollar" des grosses sociétés américaines comme Del Monte ou La Chiquita pour réclamer toujours plus d'aides et de subventions.

Périodiquement ces patrons manifestent pour attirer l'attention des élus et de l'État sur leurs problèmes. Et régulièrement ils perçoivent des subventions de l'État. Que deviennent ces subventions? Personne, à part eux, ne le sait. Et ces patrons qui ont l'oreille complaisante des élus et de l'État ne sont pas à plaindre, loin de là. Ils ont des milliers d'hectares de terres, certains ont investi dans des chaînes de magasins bon marché comme "LeaderPrice" ou "Ecomax" qui font de bons profits. Leur patrimoine est loin d'être négligeable avec villas luxueuses, bateaux de plaisance. Certains ont investi dans des circuits de "tourisme vert". Leur train de vie, en particulier celui des gros planteurs békés (blancs locaux), n'est absolument pas comparable à celui des milliers d'ouvriers agricoles pauvres qui triment sur leurs plantations.

Qu'à cela ne tienne, ils ont bénéficié de toute la compréhension et de la complaisance de l'État et des dirigeants des assemblées locales, en particulier Lucette Michaux-Chevry, sénateur, présidente du Conseil régional et principale représentante de l'UMP en Guadeloupe. Cette dernière, toujours prompte à condamner les grèves des travailleurs, s'est précipitée au dernier rassemblement des planteurs et a parlé d'agir au plus vite contre la "destruction de l'économie guadeloupéenne". Elle a élargi le front patronal bananier aux planteurs de la Martinique qui ont tenu une réunion avec leurs compères de Guadeloupe en présence des présidents des assemblées locales, ceux de la gauche compris. Puis le préfet a reçu une délégation de patrons de Guadeloupe. Ce même jour on apprenait que le gouvernement accordait un prêt de 13 millions d'euros à taux zéro sur cinq ans aux patrons de la banane. Quant à la Région elle s'est engagée à payer les dettes des planteurs à la CGM. Les patrons ont rouvert les plantations... tout en estimant que ces mesures étaient insuffisantes et qu'ils continueraient à manifester...

Ils savent pertinemment qu'il leur suffit de hausser un peu le ton pour avoir satisfaction et bénéficier de toute la bonne volonté de leurs représentants politiques et de l'État, au fond à leur service.

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