Cancun : Victoire pour ceux à qui profite le statu quo18/09/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/09/une1833.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Cancun : Victoire pour ceux à qui profite le statu quo

Finalement, la réunion de l'Organisation mondiale du commerce à Cancun, au Mexique, a une fois de plus tourné court.

Du coup, ceux qui se qualifient eux-mêmes de "raisonnables" ou de "réalistes", qui veulent faire croire qu'un accord vaut mieux que l'absence d'accord, parce que, disent-ils, une régularisation des échanges, si limitée soit-elle, aurait des retombées bénéfiques pour les pays pauvres et leurs populations, déplorent ce qu'ils qualifient d'échec.

D'autres, les "altermondialistes" ont applaudi cet échec. Ils l'interprètent comme une manifestation du poids grandissant des vingt-et-un pays dits "en développement", qui se sont coalisés autour du Brésil, de la Chine et de l'Inde, qui seraient désormais capables de bloquer le bon déroulement de l'OMC, et donc de défier les grandes puissances.

Mais leur imposer quoi que ce soit est une tout autre affaire!

Pour les grandes puissances, comme les États-Unis et l'Europe (mieux vaudrait dire les grandes puissances qui dominent l'Union européenne), les réunions de l'OMC sont des occasions parmi d'autres -et certainement pas les plus importantes- de marchander entre elles des concessions réciproques, en matière d'échanges commerciaux , selon la règle du "donnant-donnant", règle qui fonctionne de toute façon au principal profit du plus puissant. Accessoirement aussi, elles constituent une occasion pour ces puissances de faire des oeillades démagogiques en direction des pays plus faibles économiquement.

En réalité, l'OMC n'a guère d'autre rôle. Et surtout pas celui d'harmoniser les rapports commerciaux internationaux.

Preuve en est la position du gouvernement américain, qui se pose en champion du libre-échange, démarche qui suppose la suppression de toute intervention étatique dans les échanges commerciaux internationaux. George Bush a même déclaré que ce libre-échange serait "le principal moteur du progrès humain". Mais dans le même temps, le gouvernement américain accorde 4 milliards de dollars de subventions à 25000 producteurs de coton. Ils concurrencent d'autant plus les pays africains producteurs de coton tels le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Tchad et le Togo, dont les représentants se plaignent. Mais ce que l'on appelle les "intérêts" de ces pays ne se confond pas avec ceux de sa population pauvre. Il faut distinguer entre les intérêts des sociétés qui commercialisent le coton du Tchad, du Mali et d'ailleurs, et les paysans qui travaillent sur les plantations. D'un côté, il y a de puissantes sociétés dont les capitaux proviennent en grande partie des pays riches d'Europe, voire des États-Unis. Pour elles, il y a un enjeu dans d'éventuels accords. Pas pour les paysans!

Le fait que la réunion de Cancun n'ait abouti à rien ne semble pas chagriner les autorités américaines. A son issue, son représentant au Mexique expliquait que "la stratégie commerciale des États-Unis avance sur plusieurs fronts. Nous avons des accords de libre-échange avec six pays. Nous en négocions avec quatorze autres". Une façon de dire crûment que les États-Unis n'ont nullement l'intention de se sentir liés par un accord prétendant établir des échanges harmonieux entre l'ensemble des États de la planète.

D'ailleurs il en va de même pour tous les États membres de l'OMC: leurs représentants sont là pour défendre les intérêts de leurs classes dominantes contre les intérêts de leurs rivaux. C'est cela, et uniquement cela, qui domine les relations commerciales internationales.

Échec selon certains, victoire selon d'autres, ni vaincus ni vainqueurs suivant ceux qui restent. En quoi, quelle que soit l'issue des marchandages entre États, cela pourrait-il être une victoire pour les paysans togolais ou tchadiens qui s'échinent dans les plantations de coton, dans le cas où on aurait abouti à un accord modifiant les termes de l'échange sur ce produit? En quoi un accord sur les échanges de produits fruitiers apporterait-il la moindre amélioration à la situation des paysans guatémaltèques ou panaméens?

Lutter contre l'emprise des grandes puissances sur l'économie mondiale, c'est lutter en réalité contre l'existence même du capitalisme. L'OMC n'est tout au plus qu'une scène sur laquelle se joue la pièce qui travestit la réalité.

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