Élargissement de l'Union européenne : Dix nouveaux états membres en position de subordonnés24/04/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/04/une1812.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Élargissement de l'Union européenne : Dix nouveaux états membres en position de subordonnés

Mercredi 16 avril a été signé, à Athènes, le traité élargissant l'Union européenne à dix nouveaux États membres."L'Europe des Quinze" devient donc celle des "Vingt-Cinq" en intégrant, outre les îles méditerranéennes de Malte et de Chypre (en fait sa seule partie grecque), ce que l'on appelait récemment encore des "pays de l'Est": la Slovénie (une république de l'ex-Yougoslavie); quatre anciennes "Démocraties populaires" (Hongrie, Pologne, Slovaquie et République tchèque); enfin l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie, qui avaient été les trois républiques baltes de l'Union soviétique.

Tous ces pays ont demandé à adhérer à l'Union européenne après la "chute du mur de Berlin" en 1989, voire après la disparition de l'Union soviétique, fin 1991. Et, durant cette douzaine d'années, les dirigeants des institutions européennes leur ont imposé des conditions d'adhésion draconiennes, surtout en matière sociale et économique. En cela, il est vrai, les autorités d'Europe de l'Ouest ne faisaient qu'ajouter leur pression à celle que la pénétration du capital occidental exerçait de plus en plus sur ces pays et leurs sociétés.

Les grands groupes occidentaux font leur marché

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, leurs populations ont été privées de la plupart des pourtant déjà maigres protections sociales dont elles disposaient auparavant. Le chômage, qu'elles ne connaissaient plus guère, est redevenu une réalité dramatique pour de nombreux travailleurs, tandis que trusts et grands groupes ouest-européens ou nord-américains faisaient main basse sur les entreprises de ces pays. Cela, le plus souvent en les "restructurant", c'est-à-dire en licenciant une partie du personnel.

En Hongrie par exemple,72,5% de l'industrie se trouvent maintenant aux mains des capitaux occidentaux, qui contrôlent ainsi 88,6% des exportations du pays. Rien que dans le domaine de la recherche, les principales sociétés "hongroises" sont désormais Audi, IBM, Compaq, Siemens, Nokia. Quant à l'industrie pharmaceutique hongroise, qui fournissait jadis en médicaments tout le Comecon (un Marché commun à l'Europe de l'Est et à l'URSS), elle est, depuis, largement dominée par des groupes comme le laboratoire français Synthélabo. Même chose dans le secteur bancaire, dans celui de l'agro-alimentaire ou encore dans ceux de l'automobile et des transports. À quelques variantes près, on retrouve la même situation des pays Baltes à la Slovénie...

Les petits agriculteurs de l'Est condamnés à disparaître

À cela s'est ajouté, pour plusieurs de ces pays qui ont encore une paysannerie nombreuse, la politique de l'Union européenne qui les a obligés à s'ouvrir aux importations agro-alimentaires et agricoles ouest-européennes, tout en fermant ses portes à leur propre production agricole.

Dans le cas de la Pologne, où un quart de la population vit de la terre, des millions d'exploitations agricoles sont ainsi promises à la mort. Jusqu'aux dernières négociations, l'Union européenne a posé comme condition absolue à l'adhésion de ces pays qu'ils cessent de soutenir, même un peu, leurs agriculteurs dont la plupart peinent à survivre sur de petits lopins et ne pèsent guère face aux géants de l'agriculture capitaliste occidentale, subventionnés à une tout autre échelle par la fameuse politique agricole commune (PAC).

Et demain, dans "l'Europedes Vingt-Cinq"?

En fait, "l'événement historique" que serait le traité d'Athènes ne fait qu'entériner le passage, déjà accompli, de ces pays sous la coupe des grandes puissances.

Lors de la session d'avril du Parlement européen à Strasbourg, un rapport général sur le sujet (le rapport Brok, voir ci-contre) a été présenté aux députés européens. Il y était prétendu "que l'égalité de tous les États membres (anciens et nouveaux de l'Union européenne) a valeur de principe". Dans la pratique, c'était déjà une fiction dans une Europe des Quinze dominée par les trois principales puissances impérialistes du continent -l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. Pour les dix nouveaux États, la fiction se transforme en mensonge éhonté.

Les capitaux auront encore plus de facilité à circuler dans l'Europe élargie, mais pas les travailleurs des pays nouvellement admis. En effet le traité leur interdit de pouvoir librement s'établir parmi les Quinze, et cela pendant plusieurs années. Pour les paysans de ces dix pays, là encore la règle est l'inégalité: même ceux qui survivront devront attendre des années avant d'avoir droit au même barème de subventions que ceux d'Europe de l'Ouest au titre de la PAC. Et puis, s'il abaisse -un peu- les barrières entre les Quinze et les nouveaux États membres, ce prétendu élargissement de l'Europe va élever d'autres barrières dont pâtiront les peuples d'Europe centrale et orientale. D'ores et déjà les frontières orientales de la future Europe élargie se hérissent de nouveaux barbelés qui, en Pologne, en Hongrie, en Slovaquie, en Slovénie, dans les pays baltes, voire à Chypre, vont rendre plus difficiles les liens entre des populations et des familles vivant de part et d'autre de ces frontières.

L'unification du continent européen est nécessaire, et depuis longtemps, pour ses peuples qui ont payé son morcellement de deux guerres mondiales et de dizaines de millions de morts en un siècle. Mais "l'élargissement" de l'Union européenne n'est qu'un piètre succédané d'unification. Ce n'en est aussi qu'une version bancale, inégalitaire et socialement injuste, car placée tout entière sous la loi du profit capitaliste et des puissances impérialistes.

Et le résultat du référendum sur l'adhésion qui vient d'avoir lieu en Hongrie montre que nombre d'habitants des pays qui vont rejoindre l'Union européenne n'en attendent pas grand-chose, en tout cas pas au point d'être allés voter. S'il y a eu 83% de "oui", l'abstention a été massive, puisque de plus de moitié.

Pierre LAFFITTE

Sur cette question de l'élargissement de l'Europe, thème principal de la session de début avril du Parlement européen à Strasbourg, voir les explications de vote des députées européennes de Lutte Ouvrière.

Partager