Argentine : Les travailleurs de brukman expulsés24/04/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/04/une1812.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Argentine : Les travailleurs de brukman expulsés

La police de Buenos Aires a réprimé avec violence des manifestants ouvriers et des membres de partis d'extrême gauche venus protester lundi 21 avril contre l'expulsion des travailleurs de l'entreprise Brukman, située dans le quartier de Once, qui est l'équivalent du quartier du Sentier à Paris. Le choc entre la police et les manifestants a été très violent. On dénombre vingt blessés et une centaine d'arrestations.

L'entreprise Brukman fabrique des costumes pour hommes. Elle compte une cinquantaine de travailleuses qui assemblent les vêtements et quelques hommes chargés de la coupe du tissu. Abandonnée par ses propriétaires, les frères Brukman, l'entreprise a été relancée par ces travailleurs fin 2001. Depuis, le personnel parvenait à couvrir les frais et à se payer ses salaires, ce qui, dans la situation difficile que traverse le pays, n'était déjà pas si mal. Cette entreprise était l'une des entreprises phares du mouvement qui avait vu, depuis l'effondrement de l'économie, des dizaines d'entreprises, souvent petites mais pas toujours, être reprises par les travailleurs quand les patrons étaient défaillants.

Un juge avait statué sur le sort de l'entreprise en admettant une sorte de statu quo et proposant qu'on discute pour la suite sur l'avenir de l'entreprise. C'est un autre juge, à la demande des anciens propriétaires, qui a demandé l'intervention de la police. A la veille du week-end de Pâques, les quelques travailleuses présentes ont été expulsées au petit matin par la police. Cette initiative a entraîné le soutien des divers mouvements qui appuient ces "récupérations d'entreprise", des syndicalistes, les mouvements de chômeurs (les piqueteros) et des militants des diverses organisations d'extrême gauche. Plusieurs milliers de personnes sont venues soutenir les travailleurs de Brukman.

Il y a quelques semaines, l'entreprise des céramistes de Zanon, elle aussi en pointe dans le mouvement des "récupérations d'entreprise", avait été également menacée, mais les pouvoirs publics avaient finalement renoncé devant la mobilisation.

Cette intervention musclée de la police survient à une semaine du scrutin d'une campagne électorale qui oppose le candidat péroniste Kirchner (le président intérimaire depuis la chute du gouvernement en décembre 2001, le péroniste Duhalde, ne se représente pas), mais aussi l'ex-président péroniste Menem et un candidat de la droite ultra-libérale Lopez Murphy. Plusieurs hypothèses circulent sur la raison de cette intervention policière. Beaucoup pensent qu'il pourrait s'agir d'une manoeuvre de dernière minute qui pourrait entraîner la suspension des élections présidentielles, ce qui arrangerait Duhalde, qui ne serait pas mécontent de rester à son poste ou encore Menem qui n'est pas sûr de l'emporter face au candidat ultra-libéral Murphy qui promet de "recréer l'Argentine", mais qui a d'ores et déjà annoncé qu'il supprimera 250000 emplois dans la fonction publique.

De toute façon, l'électorat populaire ne peut compter sur aucun des trois candidats qui ont le plus de chances de l'emporter. Les travailleurs ne peuvent compter que sur leurs propres forces, comme l'avaient fait ceux de Brukman, qui espèrent encore pouvoir réoccuper leur lieu de travail, grâce à la mobilisation et aussi à la faveur de l'imbroglio juridique créé par l'action contradictoire des deux juges.

Partager