Nitrochimie Billy-Berclau(62) : Des usines qui font du profit et qui tuent04/04/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/04/une1809.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Nitrochimie Billy-Berclau(62) : Des usines qui font du profit et qui tuent

Jeudi 27 mars vers 6h15, l'atelier 50 de l'usine Nitrochimie à Billy-Berclau, une petite commune du Pas-de-Calais aux environs de Lens, était entièrement détruit par une terrible explosion tuant sur le coup quatre salariés.

La déflagration a été entendue et ressentie à plus de 10km alentour, cassant des vitres et vitrines jusqu'à plusieurs kilomètres, soufflant des portes et toitures et jetant l'émoi et l'inquiétude dans la population locale parmi laquelle, rapidement, a circulé la nouvelle d'une explosion de la "Poudrière".

L'accident a eu lieu dans un atelier mécanisé (avant, toutes les manipulations se faisaient à la main) fabriquant les bâtons de dynamite à partir de carton et de pâte explosive. La pâte, elle-même malaxée dans l'entreprise, était découpée et ensuite encartouchée. C'est pendant la phase de démarrage et de réglage de la machine que l'explosion a eu lieu.

L'atelier était sous surveillance vidéo et la cassette a été saisie pour l'enquête; mais connaîtra-t-on un jour les vraies causes? Certains travailleurs évoquaient la possible existence d'un corps étranger dans la pâte, ou encore la possible surchauffe d'une pièce de la machine suite au durcissement de cette pâte qui reste stockée après le travail de l'équipe précédente.

En attendant, les salariés ont été mis au chômage.

Il y a quelques mois, au cours d'une réunion officielle invitant des représentants des usines classées Seveso, un dirigeant de Nitrochimie avait expliqué que, les ateliers étant séparés les uns des autres par un périmètre de sécurité, renforcé par la présence de murs bétonnés et de monts de schistes de plus de 5 mètres, une éventuelle explosion resterait localisée à un seul atelier, limitant les dégâts pour les populations voisines à quelques vitres et dommages légers. Seuls pouvaient donc être touchés les salariés de cet atelier qui n'avaient, bien entendu, pratiquement aucune chance de survivre. Cette prévision s'est révélée exacte, cyniquement exacte aussi pour les quatre salariés qui y ont laissé la vie.

Il y a quelques dizaines d'années, quand il n'y avait pas trop de chômage, et pour attirer des travailleurs dans cette usine dangereuse, les salaires étaient plus élevés qu'ailleurs. Depuis longtemps, cela n'est même plus vrai. Le nombre de salariés a d'ailleurs fondu, passant en vingt ans d'environ 250 personnes à 87 aujourd'hui.

Il y a en plus en permanence des intérimaires, une quinzaine en ce moment, alors que dans ce genre d'environnement extrêmement dangereux, le travail précaire devrait à plus forte raison être interdit.

Cette société, de la taille d'une PME, qui produit 6000 tonnes de dynamite et 7000 tonnes de nitrate de fioul par an, n'est pas une petite société de province. Elle appartient à des groupes internationaux: pour 35%, à Davey Bickford Smith & Cie, vieille société britannique ayant participé à la réalisation du canal de Panama, et pour 65% à la Société d'Explosifs et de Produits Chimiques SA (SEP) qui est cotée en Bourse et qui est elle-même détenue majoritairement par la famille Barbier, à l'origine de la construction de Nitrochimie. SEP a vu son chiffre d'affaires passer de 125 à 188 millions de francs entre 1998 et 2000, multipliant par quatre ses profits pour atteindre il y a deux ans presque 11 millions de francs.

Alors, même si la direction de l'usine déclare que la sécurité y était respectée (malgré les récentes déclarations de la Drire qui dit avoir effectué quelques mises en demeure ces dernières années pour non-respect de la réglementation), les investissements pour la sécurité étaient de toute façon bien en deçà des bénéfices récoltés. Et, classement Seveso ou pas, la rentabilité et les profits passent loin devant la vie des travailleurs.

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