La gauche,une seconde fois derrière chirac04/04/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/04/une1809.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La gauche,une seconde fois derrière chirac

"Deux fois par an, on vote Chirac" : c'est la plaisanterie qui circulait, paraît-il, dans le groupe socialiste lors du débat à l'Assemblée nationale sur l'Irak qui a vu l'ensemble des députés de gauche se succéder à la tribune pour congratuler la diplomatie française.

Depuis le début de la crise irakienne, la gauche n'a pas cessé de tresser des couronnes à Chirac. Ainsi l'ancien ministre socialiste Jack Lang, a renoué avec la flagornerie dont il faisait preuve autrefois vis-à-vis de Mitterrand: "L'attitude ferme du président de la République française et de la gauche française donne à notre pays un capital moral dans le monde qui lui permettra d'agir sur le plan humanitaire et d'aider, le jour venu, à la construction de la paix", ajoutant: "Pas une feuille de papier à cigarette ne me sépare de ce qu'a dit le président de la République. L'engagement de la France par sa voix est ferme, clair et juste."

Dans le même registre, Chevènement a lui aussi dressé un autel à la gloire de Chirac. Selon lui "Jacques Chirac porte les intérêts de la France conformément à sa vocation d'universalité. Ce faisant, il sert aussi l'idée d'une Europe européenne."

François Hollande, lui, expliquait que dans la crise irakienne "les arguments de Jacques Chirac sont également les nôtres" et Julien Dray est "fier de ce que fait la France".

Enfin les dirigeants du Parti Communiste ne sont pas en reste. Ainsi Alain Bocquet, président du groupe communiste à l'Assemblée nationale: "Je suis personnellement fier de la France, de son attitude dans ce débat douloureux."

Il fut un temps où les dirigeants de gauche expliquaient que Chirac et les dirigeants de droite représentaient les intérêts des capitalistes français. Aujourd'hui, on le voit, la gauche identifie Chirac avec "la France" et se jette à nouveau à ses pieds, quelques mois après avoir voté pour lui au second tour de la présidentielle. Ce nouveau ralliement est indigne pour plusieurs raisons.

Evidemment Chirac a pris une posture qui, face à la politique d'agression brutale des États-Unis, apparaît comme en faveur de la paix. Mais Le Pen a pris une position analogue et il ne serait venu à l'idée (heureusement) d'aucun responsable de gauche d'encenser Le Pen pour sa position antiguerre purement circonstancielle. Chirac, comme Le Pen, peuvent prendre telle ou telle position pour des raisons qui leur sont propres et qui restent complètement opposées à l'intérêt des travailleurs et des peuples.

Il faut savoir dans quel camp on se trouve. Face à ce déluge de compliments, il faut de plus rappeler qu'à aucun moment, Chirac n'a condamné les bombardements sur le peuple irakien. À aucun moment il n'a réclamé le départ des troupes américaines et britanniques. Interrogé sur la possibilité pour les bombardiers américains de survoler l'espace aérien français, il a répondu "Cela va de soi. Les États-Unis sont nos alliés." Depuis le début de la crise, l'attitude de la France n'a pas évité un seul mort irakien, tout au plus, le ballet diplomatique a-t-il retardé de quelques semaines l'entrée en guerre. Et même ce laps de temps a été utilisé pour continuer à désarmer l'Irak, tandis que les États-Unis continuaient d'acheminer leur armada.

En fait, le président français n'a jamais dénié à l'impérialisme américain le droit de mettre au pas l'Irak. Et s'il s'est distingué dans la forme, c'est d'abord parce que les États-Unis n'avaient besoin ni de son aval, ni de ses troupes. Et ensuite parce qu'il a calculé que cette posture pacifiste ne desservirait ni son avenir politique ni l'intérêt des capitalistes français y compris en Irak.

On est tout de même gêné de devoir rappeler que l'impérialisme français, encore aujourd'hui en Côte-d'Ivoire ou en Centrafrique, a le sang des peuples ex-coloniaux sur les mains et que toute son histoire est celle du massacre des peuples pour les intérêts des groupes et des banquiers français. Si la gauche cultive des illusions dans Chirac, lui Chirac ne changera jamais de camp, celui de l'impérialisme.

Le ralliement de la gauche à Chirac est particulièrement nocif sur le plan intérieur, car ce fameux "capital moral" qu'obtiendrait Chirac et le gouvernement, il s'en sert déjà pour attaquer les travailleurs. Un Hollande peut bien dire "Nous soutenons Chirac sur le plan extérieur mais nous le combattons sur le plan intérieur", il s'agit d'un mensonge de plus.

Au moment où le gouvernement et le patronat mènent aux travailleurs une guerre féroce sur les retraites, la fiscalité, les licenciements, la chasse aux pauvres, on ne peut pas faire de Chirac à la fois un ami et un ennemi. Il n'y a que les dirigeants du Parti Socialiste et du Parti Communiste pour avoir un tel dédoublement de personnalité. On ne peut pas encenser un jour un homme et appeler à le combattre le lendemain. Les travailleurs, les militants de gauche et les militants syndicalistes n'ont pas à participer au consensus autour de Chirac. Ils ont à organiser la lutte contre son gouvernement et sa politique, qui à l'intérieur comme à l'extérieur est de toute façon dirigée contre les intérêts des peuples.

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