Irak : Reprise du programme "pétrole contre nourriture" - L'ONU se cherche une bonne conscience04/04/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/04/une1809.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : Reprise du programme "pétrole contre nourriture" - L'ONU se cherche une bonne conscience

Le 28 mars, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté à l'unanimité une résolution, présentée conjointement par l'Allemagne et la France, qui permet la reprise en Irak du programme dit humanitaire "Pétrole contre nourriture".

Ce programme, mis en place en 1996 et suspendu à la veille de l'intervention militaire américaine, avait en principe pour objectif d'alléger les conséquences de l'embargo appliqué après la guerre du Golfe aux échanges commerciaux de l'Irak. Il lui permettait d'exporter une quantité limitée de pétrole et d'importer en échange un certain nombre de produits comme des médicaments ou des produits alimentaires, mais aussi des pièces de rechange pour l'industrie pétrolière ou du matériel de construction, le tout sous le contrôle étroit des experts de l'ONU.

En fait de programme humanitaire, il s'agissait surtout de contrôler l'utilisation faite par le gouvernement irakien de ses ressources pétrolières, et plus particulièrement l'empêcher d'acheter des armes... L'ONU ne se contentait d'ailleurs pas de définir quel produit l'Irak pouvait ou pas importer, elle s'attribuait, en lieu et place du gouvernement irakien, la gestion des fonds dégagés par ces exportations de pétrole. Ces ressources n'étaient d'ailleurs pas affectées en totalité à des achats de première nécessité pour la population irakienne, puisqu'au passage l'ONU prélevait 2,2% pour ses frais de gestion, 0,8% pour l'entretien des inspecteurs en désarmement et 25% au titre des dommages de guerre attribués au Koweït.

Il n'empêche que dans ce pays, déjà dévasté par la guerre de 1991 et onze ans d'embargo, le volet alimentaire de ce programme contribuait à la survie de 60% de la population irakienne. Or, pas une voix ne s'opposa au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, contre la décision de suspendre ce programme, lorsque Bush décida de l'intervention anglo-américaine. C'est dire que les préoccupations humanitaires qu'affichent aujourd'hui Chirac et ses compères sont à géométrie variable.

En fait, en décidant de le réactiver, l'ONU et les représentants des grandes puissances essaient surtout de redorer leur image... à peu de frais. Car comme l'a déclaré le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, la reprise effective du programme "pétrole contre nourriture" "dépend à l'évidence de la situation militaire, qui nous dicte à quel rythme nous pouvons revenir". Autant dire que les populations risquent d'attendre encore longtemps l'aide humanitaire annoncée.

Quant à l'utilisation des fonds, elle échappera encore plus au gouvernement irakien, puisque la résolution attribue au seul représentant de l'ONU le soin de fixer les priorités.

Ainsi, après avoir laissé les mains libres à Bush, Blair et compagnie pour mettre une nouvelle fois l'Irak à feu et à sang après l'avoir désarmé, les dirigeants des grandes puissances voudraient se donner bonne conscience en annonçant la distribution de maigres secours. Quelle hypocrisie!

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