Et la Poste en France ?15/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1755.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Et la Poste en France ?

Jusqu'à présent, La Poste se défend de vouloir toute libéralisation. Le PDG de La Poste, le socialiste Martin Vial, récuse également toute idée de changement de statut, qui serait une première étape vers une privatisation à terme. Mais tout montre que la direction et le gouvernement s'y préparent. Et La Poste se comporte de plus en plus comme une entreprise privée. Cela se manifeste sur tous les plans.

D'une part, l'entreprise recrute de plus en plus de contractuels, et de moins en moins de fonctionnaires. Les concours de recrutement sont rares (moins d'un par an). Depuis 1985, 47 000 emplois de fonctionnaires ont été supprimés, et plus du quart des salariés de La Poste sont maintenant des contractuels (90 000 sur 310 000). Trois quarts des nouveaux embauchés le sont maintenant sous des contrats de droit privé. Moins payés, ils sont également plus vulnérables. Même pour les fonctionnaires, la pression sur les facteurs s'est accentuée. Dans certains bureaux, des facteurs ne sont pas titularisés à l'issue de leur année de stage. Pour certains, la titularisation est reportée, d'autres sont purement révoqués.

La charge de courrier par facteur a été considérablement accrue. Contrairement à une idée reçue, le courrier électronique ne fait pas diminuer le trafic postal. Chaque année, le nombre de plis augmente de 5 à 7 %, et les effectifs stagnent. Chaque facteur achemine donc un volume croissant. La direction accroît également la pression pour que la publicité adressée soit acheminée dans les meilleurs délais, au détriment du courrier. Brimades, sanctions, harcèlement moral se banalisent dans bien des bureaux.

La Poste cherche également à se débarrasser de bureaux en zone rurale, qu'elle juge non rentables. Pendant l'été, de plus en plus souvent, le postier en vacances n'est pas remplacé. A l'été 2001, cela avait provoqué un tollé. La Poste jumelle des bureaux (un seul chef d'établissement pour plusieurs bureaux). Elle restreint les heures d'ouverture, parfois déjà réduites : rien que dans le département de la Seine-Maritime, cela concerne 43 bureaux. Elle développe les agences communales (la mairie prend en charge les frais de personnel et les locaux) : il y en a déjà 1000. Et, dernier projet, évoqué par Ouest-France, et testé dans neuf départements : le " Relais service postal ". Au lieu de l'agence, un commerçant (tabac, boulangerie) assure l'activité postale. Le problème pour la direction est qu'usagers et postiers protestent contre ce démantèlement orchestré. C'est tant mieux, car seules des luttes arrêteront cette politique.

Autre terrain sur lequel La Poste cherche à évoluer : elle voudrait devenir une véritable banque. La Poste est l'établissement financier de 27 millions de personnes, surtout des personnes âgées et des familles populaires, situées dans des zones rurales ou dans des quartiers difficiles où le secteur bancaire est peu présent. Les prestations sociales sont souvent versées sur un CCP, notamment pour tous ceux que les banques refusent, car ils sont trop pauvres. La Poste voudrait se débarrasser de cette image de " banque des pauvres et des vieux ", comme disent avec mépris ses dirigeants. Elle voudrait garder ses clients plus fortunés, en offrant toute la gamme de services d'une banque (prêts à la consommation, etc.). Elle veut également disposer de fonds propres plus importants ; c'est ainsi qu'en 2001, une loi a autorisé La Poste à vendre son patrimoine immobilier. En général, elle loue ensuite les locaux cédés, sauf les foyers pour facteurs, qu'elle cherche à fermer. Elle a également cédé son parc de 60 000 véhicules à des sociétés privées, auxquelles elle loue maintenant les mêmes véhicules ! La Poste investit beaucoup à l'étranger, cherchant ainsi à se positionner pour être une multinationale du trafic postal ; elle rachète des entreprises ou des parts de capital, et se vante maintenant de posséder 200 sociétés dans 15 pays.

Bref, derrière les phrases ronflantes sur le service public, La Poste veut se transformer en banque, elle veut ouvrir son capital. Cela passe par un changement de statut, remis à après la présidentielle, car les dirigeants redoutent la réaction des 310 000 postiers. Mais socialistes et partis de droite ont les mêmes objectifs. En octobre dernier, les ministres européens se sont mis d'accord pour livrer à la concurrence les plis de plus de 100 g (au lieu de 150 g) dès 2003, ceux de plus de 50 g en 2006, en vue d'une libéralisation totale en 2009. Le ministre français, le socialiste Christian Pierret, a jugé l'accord " extrêmement satisfaisant ". Le projet devait encore passer au parlement de Strasbourg. Mais seules les luttes des postiers et les réactions des usagers pourront mettre un coup d'arrêt à cette politique.

M.B.

Une baisse des charges qui profite aux patrons

"En 1995, 20,7 milliards de francs ont été consacrés â l'abaissement du coût salarial en dessous de 1,3 fois le SMIC et l'incidence sur l'emploi est â peine perceptible ", écrivait Le Monde en mai 1997, pour commenter les résultats de l'abaissement des charges sur les bas salaires inauguré par Balladur en juillet 1993. Par exemple, à Spie Batignolles, une entreprise du bâtiment qui avait bénéficié d'une réduction de charges sur les salaires se situant au niveau du SMIC, cela n'a pas, empêché des suppressions d'emplois. D'autres entreprises avaient au contraire recruté, profitant d'un effet d'aubaine: " C'est vrai que nous aurions de toute façon embauché ", reconnaissait un responsable de supermarché à l'époque.

Donc, les effets de ces mesures contre l'emploi étaient connus. Cela n'a pas empêché la droite, puis la gauche, d'accentuer cette politique. Entre 1993 et 1998, trois gouvernements successifs (Balladur, Juppé, Jospin) ont mis en oeuvre cinq dispositifs différents d'allégements de charge pour les bas salaires. Le gouvernement de gauche, à partir de 1997, a augmenté les allégements de charge qui existaient auparavant jusqu'à 1,8 fois le SMIC et en a créé de nouveaux à l'occasion de la loi sur les 35 heures. Ainsi, pour chaque embauche d'un salarié payé au SMIC, l'exonération est passée, en cinq ans, de 5,4 % à 18,2 % du salaire brut. Sous prétexte de loi sur les 35 heures, l'argent public consacré aux allégements de cotisations patronales a triplé.

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