Leur société

Anciens combattants étrangers : Une discrimination indigne

Le Conseil d'Etat a décidé, par un arrêt du 30 novembre dernier, de donner raison à la requête d'un ancien militaire sénégalais, engagé dans l'armée française de 1937 à 1959, qui demandait la revalorisation de sa pension militaire.

La décision du Conseil d'Etat représente une véritable sanction à l'égard du gouvernement, qui a maintenu la discrimination entre militaires français et étrangers, depuis la loi de novembre 1959, bloquant pensions et retraites pour les militaires étrangers. Cette loi, prise en pleine guerre d'Algérie par un Etat impérialiste aux prises avec les aspirations indépendantistes des peuples qu'il tentait de maintenir sous le joug colonial, gelait l'évolution du montant versé aux anciens combattants à partir de la date de l'indépendance de leur pays.

L'arrêt d'aujourd'hui signifie aussi que la revalorisation des pensions et retraites peut être exigée par l'ensemble des militaires étrangers intégrés à l'armée française. Quelque 85 000 personnes seraient ainsi en situation de réclamer une revalorisation et un rattrapage des arriérés. Les veuves et leurs enfants pourraient également bénéficier de cette mesure.

Au total, la dette du gouvernement français à l'égard de ces soldats et de leurs familles est estimée à quelque 10 milliards de francs. Encore faut-il que le gouvernement débourse cette somme sans plus attendre, une somme qui de toute façon ne compensera que bien mal la quarantaine d'années pendant lesquelles ces anciens soldats ont reçu des pensions dérisoires. Pour quinze ans passés dans l'armée, un ancien combattant français touche environ 2 800 francs de retraite, ce qui n'est déjà pas bien lourd, mais l'indemnité d'un Guinéen, autrefois enrôlé dans l'armée, est de 673 francs et celle d'un Tunisien ou d'un Marocain de 400 francs. S'il est reconnu invalide à 100 %, un soldat français touche une pension de 4 500 francs mensuels contre 1 500 francs à Dakar et 500 francs à Tunis. Les veuves étrangères, quant à elles, ne touchaient jusqu'à présent aucun reversement.

Lorsqu'une décision de la Cour administrative d'appel était intervenue en juillet dernier pour qualifier cette situation de discrimatoire et contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, Fabius et le ministère de l'Economie et des Finances n'avaient rien trouvé de mieux que de saisir le Conseil d'Etat dans l'espoir qu'il s'oppose à toute révision.

Quand il s'agit des intérêts de vieux émigrés, parfois blessés et invalides, retournés dans leur pays quand ils n'étaient pas morts dans les guerres de l'impérialisme français, les gouvernants n'ont aucune reconnaissance ni même aucune gêne à les abandonner purement et simplement, allant jusqu'à justifier les discriminations expliquant que les besoins, les niveaux de vie, sont différents et qu'il n'est donc pas nécessaire de verser autant à un ancien combattant étranger qu'à un français. Les Fabius, Jospin et leurs prédécesseurs, Mitterrand et autres, n'ont vraiment pas honte.

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