Guerre d'Algérie (Procès Aussaresses) : Amnistie pour les crimes, procès pour les aveux30/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1741.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

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Guerre d'Algérie (Procès Aussaresses) : Amnistie pour les crimes, procès pour les aveux

Le général Aussaresses dont le procès vient de s'ouvrir ne répondra pas de ses crimes, mais seulement d'en avoir parlé.

En effet, au lieu d'emporter bien sagement ses secrets dans la tombe, cet ancien chef-tortionnaire qui a sévi durant la guerre d'Algérie a publié un livre où il raconte sans état d'âme et avec force détails les exactions commises sous ses ordres. Il s'agit de crimes, d'exécutions sommaires, de tortures, ce qui correspond à la définition des " crimes contre l'humanité " ou des " crimes de guerre ".

En principe, les " crimes contre l'humanité " sont imprescriptibles, et la France l'a reconnu. Seulement les accords d'Evian de 1962, qui ont mis fin officiellement à la guerre d'Algérie, prévoyaient une amnistie générale pour tous les actes commis avant le cessez-le-feu.

Alors, " prescriptibilité " ou pas ? Un " crime contre l'humanité " est imprescriptible, en revanche un " crime de guerre " commis durant la guerre d'Algérie, lui, est prescrit ! Et ce n'est pas tout, comme les combats et les massacres, dus essentiellement à l'OAS, ont continué bien après les accords d'Evian, la justice aurait donc pu et dû poursuivre certains protagonistes pour ces faits-là, c'est-à-dire des assassinats, des voitures piégées ayant fait de nombreux morts, des actes de terrorisme, etc. Mais pour ne pas inquiéter les anciens de l'OAS, souvent ex-militaires, une seconde amnistie a été promulguée sous de Gaulle le 24 juillet 1968 (deux mois après les " événements " de mai 1968).

Ainsi donc on peut, en France, condamner Klaus Barbie, ou Paul Touvier, pour des atrocités commises durant la Seconde Guerre mondiale, mais aucun des tortionnaires de la guerre d'Algérie. Pourtant l'un des paras avait annoncé à une de ses victimes dans un centre de torture algérien : " Ici, c'est la Gestapo ".

C'est dans ces conditions qu'est paru le livre d'Aussaresses Services spéciaux - Algérie 1955-1957 qui étale au grand jour ce que beaucoup de monde savait, les tortures et les assassinats. Une des conséquences, certes involontaire de la part d'Aussaresses, est de mettre en évidence l'injustice foncière de cette prétendue justice. C'est de Gaulle qui a imposé l'amnistie, par deux fois, en 1962 et en 1968, pour éviter qu'en France même on vienne un jour demander des comptes à l'état-major. A cet égard, la France n'a rien à envier aux lois d'amnistie qui ont couvert les militaires tortionnaires argentins ou chiliens.

A la suite de la parution du livre, des associations de défense des droits de l'homme ont porté plainte contre Aussaresses pour " crimes contre l'humanité ", imprescriptibles donc. Mais le parquet de Paris a écarté cette qualification, en considérant que les faits incriminés étaient des " crimes de guerre "... amnistié ceux-là !

Une astuce juridique a tout de même permis de faire un procès... mais essentiellement contre les éditeurs du livre, accusés... " d'apologie de crimes de guerre " ! Quant à Aussaresses, qui signe le livre, il est seulement, lui, accusé de " complicité (!) d'apologie de crimes de guerre ".

Ce qui est clair, c'est que la justice n'a surtout pas envie de voir s'ouvrir le procès de la torture et autres exactions de la guerre d'Algérie.

Et, accessoirement, en agissant ainsi, le parquet donne un avertissement à tous les militaires en fin de vie qui pourraient avoir envie d'écrire des Mémoires embarrassants et aux maisons d'édition qui pourraient être tentées de les publier : mieux vaut qu'ils gardent tout cela pour eux.

Et même si le procès Aussaresses apporte finalement quelques révélations, le souci des tribunaux est visiblement, tout en se donnant l'air de s'en prendre à un criminel, de bien se garder de lever le voile sur la vérité.

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