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Aussaresses : L'assassinat de Larbi Ben M'Hidi...

Le procès du général Aussaresses met en lumière divers épisodes dont l'assassinat de Larbi Ben M'Hidi qui fut arrêté pendant la bataille d'Alger.

Selon la version officielle, il " s'était suicidé en se pendant dans sa cellule avec les bandes d'étoffes déchirées de sa chemise ". Mais Bigeard, qui s'était initialement occupé de Ben M'Hidi, n'avait pas apprécié de devoir le remettre aux " services spéciaux " de l'armée, c'est-à-dire au service d'Aussaresses. Il n'aimait pas qu'on lui colle sur le dos cet assassinat et avait d'ailleurs partiellement vendu la mèche en déclarant publiquement : " il faut le dire, ce sont les services spéciaux qui ont fait cela ".

Dans son livre, Aussaresses se plaint que Bigeard, au moment du transfert de Ben M'Hidi dans son service, ait fait présenter les armes à ce dernier par ses parachutistes, rendant ainsi sa tâche plus difficile. Mais la politique menée par l'armée en Algérie était claire et nette. Aussaresses la rappelle : " Les ordres étaient de liquider les chefs du FLN et j'étais là pour ça ".

Ben M'Hidi était un des fondateurs de l'organisation nationaliste algérienne. Il avait fait partie de la demi- douzaine de cadres du parti nationaliste historique de Messali Hadj qui avaient rompu pour former une organisation nationaliste plus radicale.

Né en 1923 dans une famille de paysans aisés, Ben M'Hidi avait été arrêté en 1945 au moment de la répression qui faisait suite aux bombardements de Sétif. Il avait mené la vie des militants clandestins. En 1950, il était activement recherché par la police française. Militant permanent dans l'organisation de Messali Hadj et responsable dans la région d'Oran, il s'occupa de la même région en devenant l'un des dirigeants du Front de Libération Nationale, quand celui-ci fut fondé. L'un des responsables des groupes armés du FLN lors de la bataille d'Alger, il fut arrêté par les paras de Bigeard le 23 février 1957.

Le 3 mars 1957, les chefs militaires français menaient la " bataille d'Alger ". Massu, Trinquier et Aussaresses, estimant qu'il valait mieux se passer de procès pour Ben M'Hidi, eurent ce dialogue :

-Massu : " Ben M'Hidi ne passe pas inaperçu. On ne peut le faire disparaître comme ça ".

-Aussaresses : " Pas question de le laisser à la PJ. (...) S'il y a un procès et qu'il n'a rien avoué, il risque de s'en sortir et tout le FLN avec lui. Alors, laissez-moi m'en occuper avant qu'il ne s'évade, ce qui nous pend au nez si nous continuons à hésiter . "

-Massu : " Eh bien, occupez-vous-en. (...) Faites pour le mieux. Je vous couvrirai. "

Et Aussaresses commente : " Je compris qu'il avait le feu vert du gouvernement . "

Dont acte. Ben M'Hidi fut emmené dans une ferme et isolé dans une pièce. Aussaresses raconte : " Avec l'aide de mes gradés, nous avons empoigné Ben M'Hidi et nous l'avons pendu, d'une manière qui puisse laisser penser à un suicide. Quand j'ai été certain de sa mort, je l'ai tout de suite décroché et transporté à l'hôpital. " Quant au rapport sur le " suicide " de Ben M'Hidi, Aussaresses l'avait rédigé dans l'après-midi précédant la pendaison.

" Histoire de gagner un peu de temps ", dit-il !

Cette exécution ignoble témoigne de ce qu'étaient et sont les soudards à la Aussaresses. Mais elle était d'abord l'expression de la politique de l'Etat français.

Dans son livre sur la guerre d'Algérie, Yves Courrière rappelle qu'au tout début des " événements ", c'est-à-dire le début de la guerre d'Algérie, le ministre de l'Intérieur d'alors, François Mitterrand avait indiqué à l'armée - " oralement ", précise Courrière - la marche à suivre vis-à-vis des militants algériens arrêtés : " Vous n'avez qu'à les tuer ! "

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