À Moulinex et ailleurs, il faut interdire les licenciements en prenant sur la fortune des actionnaires16/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1739.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Editorial

À Moulinex et ailleurs, il faut interdire les licenciements en prenant sur la fortune des actionnaires

Lundi 12 novembre, excédés d'être lanternés, les travailleurs de l'usine Moulinex de Cormelles-le-Royal, près de Caen, ont mis le feu à un entrepôt proche de l'usine. Ils ont également installé sur le toit de celle-ci des bonbonnes de gaz et des fûts de produits chimiques pouvant servir d'explosifs, et menacé de faire tout sauter si le gouvernement ne prenait pas les mesures nécessaires pour qu'ils obtiennent l'argent et les garanties qu'ils demandent. "Du fric ou boum" annonçait une banderole sur les murs de l'usine.

Comment ne pas partager cette indignation et cette colère ? Après les avoir lanternés pendant des années, de repreneur en repreneur, pour finir par leur annoncer que plus de 3 700 d'entre eux sont jetés à la porte, on continue à les lanterner en leur refusant même la modeste somme de 80 000 francs d'indemnité supplémentaire qu'ils demandent ! Sans la menace d'incendier l'usine de Cormelles-le-Royal et de détruire des machines dans celle d'Alençon, le gouvernement n'aurait même pas accepté de discuter de cette revendication.

Ce même gouvernement Jospin a accordé en 48 heures 1,7 milliard de rallonge aux patrons grassement payés des cliniques privées, portant à plus de trois milliards la subvention à ces patrons grassement payés... qui ont encore l'audace de prétendre que ce sera pour mieux payer leurs infirmières alors que la majeure partie de cette somme sera consacrée à augmenter leurs profits ! Mais ce même gouvernement mégote sur l'indemnité supplémentaire que réclament des travailleurs qui gagnaient à peine le SMIC et qui, après vingt ou trente ans passés à suer du profit pour les actionnaires passés et présents de Moulinex, n'ont pratiquement plus de chances de retrouver un emploi dans une région que les fermetures d'usines sont en passe de transformer en un désert industriel.

Alors que la seule solution proposée aux travailleurs de Moulinex est une reprise partielle par l'autre groupe d'électroménager SEB qui veut fermer l'usine de Cormelles-le-Royal et licencier une partie des salariés des autres, le gouvernement a annoncé en tout et pour tout qu'il débloquerait 650 millions de francs pour les salariés et 300 millions pour une prétendue "réindustrialisation" des sites et de la région, en affirmant que tous les emplois supprimés seront recréés... dans les trois ans. Mais comment lui faire confiance, alors que dans d'autres régions ce type de promesses s'est surtout traduit par des subventions supplémentaires au patronat, sans aucun résultat probant en termes d'emplois ?

Alors, quand le même gouvernement, relayé par le maire d'Alençon, invite les travailleurs de Moulinex à la patience, ce n'est rien d'autre que prêter main-forte à un patron pour lui permettre de faire passer son mauvais coup dans les meilleures conditions possibles.

Alors que chaque semaine on apprend de nouveaux plans de suppressions d'emplois émanant de tel ou tel groupe industriel, il y a pourtant une situation d'urgence. Pour mettre un coup d'arrêt à ces plans, uniquement motivés par la soif de profits des actionnaires, il faut interdire les licenciements. Garantir le salaire et le droit à la vie des travailleurs, qui conditionne parfois la survie économique de toute une région, cela passe avant les profits d'une poignée d'actionnaires, avant leurs dépenses de luxe et avant leurs spéculations financières.

Bien sûr, des entreprises déclarent, comme Moulinex, qu'elles n'ont pas les moyens de payer. Mais pendant des années, voire des dizaines d'années, ces entreprises ont fait des bénéfices, des bénéfices qui ont enrichi, non pas les travailleurs de ces usines, mais des actionnaires qui ont accru leur fortune, conservé et augmenté leur capital et peuvent maintenant le consacrer à autre chose. Et il est révoltant que ces actionnaires puissent conserver les milliards qu'ils se sont partagés et qu'ils ont transformés en fortunes privées pendant que ceux qui les ont enrichis sont poussés au chômage.

Mais que le patronat et le gouvernement se méfient : à force de pousser à bout les travailleurs, qui maintenant ont tous des raisons de se sentir des licenciés en puissance, ils finiront par provoquer une explosion de colère générale. Et c'est bien celle-ci qui pourra imposer que l'emploi et les salaires soient sauvegardés en prenant sur les fortunes privées accumulées.

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