Il y a 60 ans - Août 1940 : Staline faisait assassiner Trotsky25/08/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/08/une-1676.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Il y a 60 ans - Août 1940 : Staline faisait assassiner Trotsky

Le 21 août 1940, à Mexico, Léon Trotsky mourait, assassiné par un agent de Staline, Ramon Mercader. Le tueur avait réussi depuis longtemps à pénétrer son entourage, preuve que l'opération était minutieusement préparée de longue date. Sous prétexte de lui soumettre un article, il approcha et frappa mortellement Trotsky à la tête avec un piolet. Trotsky se savait menacé. D'ailleurs, quelques semaines auparavant, il avait déjà échappé de justesse à un attentat organisé par des hauts responsables du parti stalinien mexicain.

À 61 ans, étaient brutalement interrompus un combat et une vie consacrés intégralement à la révolution prolétarienne et au communisme.

Né en 1879 dans une famille d'agriculteurs juifs d'Ukraine, le jeune Trotsky avait rencontré les idées socialistes au lycée. Étudiant brillant, il se consacra très tôt à l'agitation révolutionnaire et l'action clandestine auprès des ouvriers.

Un militant révolutionnaire professionnel

À 18 ans, emprisonné à Odessa, il adhéra au marxisme. Comme pour bien des révolutionnaire russes, ce sera le premier mais pas le dernier séjour en prison. Déporté en Sibérie, il s'en évada et fut exilé. À Londres, il collabora avec Lénine. Mais de 1903 à 1917, des divergences sur les questions organisationnelles, qui étaient en débat dans l'ensemble de la social-démocratie, les séparèrent.

En janvier 1905, la révolution éclata dans l'Empire russe. Trotsky parvint à rentrer clandestinement en Russie. En octobre, à Saint-Pétersbourg fut créé le Soviet, véritable direction prolétarienne de la révolution dont Trotsky, qui avait alors 26 ans, devint le président.

Avec l'échec de la révolution de 1905, Trotsky fut arrêté, condamné au " bannissement à vie " et déporté près du cercle polaire. À nouveau il s'évada et séjourna dans diverses capitales européennes. Il était à New York quand éclata la révolution russe de février 1917...

Le parti de Lénine et Trotsky

Lénine, en exil, puis de retour en Russie, dut convaincre le parti bolchévique de mener une action politique vers la conquête du pouvoir par le prolétariat.

Trotsky alors était en complet accord avec cette perspective, avec l'analyse et les objectifs défendus par Lénine. C'est sans réserve qu'il rejoignit donc, avec quelques milliers de militants regroupés autour de lui, le parti bolchévique.

Très rapidement, comme en 1905, Trotsky devint l'orateur le plus populaire chez les ouvriers de Pétrograd. En septembre, les bolchéviks devinrent majoritaires aux soviets de Pétrograd, de Moscou et d'autres villes importantes du pays. En octobre, le prolétariat renversait le gouvernement et s'emparait du pouvoir. Pour les travailleurs, en Russie et à l'étranger, Trotsky incarnait avec Lénine la révolution russe victorieuse.

En mars 1918, Léon Trotsky fonda l'Armée rouge. Commissaire du Peuple à la Guerre, il réussit à organiser avec efficacité la défense militaire du jeune État ouvrier, encerclé et agressé par les puissances capitalistes et la contre-révolution, en s'appuyant sur l'enthousiasme et la détermination de la population laborieuse.

Les dirigeants bolchéviques étaient convaincus, comme tous les révolutionnaires de l'époque, que la Russie tsariste était le " maillon le plus faible " de la chaîne des pays capitalistes et que l'avenir de la révolution russe était lié à la révolution internationale, en particulier dans les bastions impérialistes.

C'est la raison pour laquelle les dirigeants bolchéviks proclamèrent, dès mars 1919, la Troisième Internationale, considérée comme le parti mondial de la révolution dont Léon Trotsky rédigea le manifeste de fondation.

Mais la vague révolutionnaire subit la trahison active de la social-démocratie. Les partis communistes, jeunes et inexpérimentés, ne furent pas à la hauteur de la situation, d'autant que cette vague, défaite après défaite, s'affaiblissait. Ce recul alimenta un courant réactionnaire dans le pays des Soviets et engendra sa dégénérescence. L'URSS se retrouva isolée, le pays, arriéré, était exsangue. Les Soviets avaient cessé de jouer leur rôle. C'est dans ce contexte que, dans le Parti et l'appareil d'État, se développa une couche de bureaucrates qui, du fait de leur position, bénéficiaient d'avantages matériels et moraux qu'ils entendaient conserver. Staline devint leur représentant. Vieux-bolchévik, mais dirigeant de second plan, quasi inconnu des masses, il mit à profit son poste de Secrétaire général, fonction essentiellement administrative, pour tisser sa toile au sein du Parti.

Contre la bureaucratie et le stalinisme

Avec la maladie puis la mort de Lénine, en janvier 1924, Staline lança une campagne de calomnies contre Trotsky. Une gigantesque entreprise de falsification de l'Histoire fut alors mise en marche.

Dans le Parti et l'Internationale, la clique bureaucratique écarta de véritables révolutionnaires et s'appuya sur des ralliés, des arrivistes qui avaient souvent été de l'autre côté des barricades pendant la révolution. On sanctionna toute discussion dans le parti. Toute critique valait la déchéance immédiate. Quelques années plus tard, elle vaudra une balle dans la nuque.

Bon nombre d'historiens bourgeois ont voulu réduire la lutte entre Staline et Trotsky à une rivalité de personnes, une querelle de succession. En fait, derrière les hommes, il y avait l'affrontement de forces sociales. Trotsky, comme Lénine, défendait en URSS, comme dans le restant du monde, une politique correspondant aux intérêts historiques du prolétariat et du communisme ; Staline était l'instrument d'une bureaucratie soucieuse de conserver et d'accroître ses privilèges au détriment du prolétariat et de son État.

Sous couvert d'une théorie mise en place pour la circonstance, qui prétendait que l'on peut construire le socialisme dans un seul pays, Staline rompit avec la politique révolutionnaire bolchévique qui considérait la révolution russe comme l'avant-poste de la révolution internationale.

En octobre 1927, Léon Trotsky fut exclu du Parti bolchévique ainsi que des milliers de ses partisans, puis déporté à Alma-Ata, en Asie centrale. De là, il continua la lutte, entretenant des liens et correspondant avec les autres opposants déportés aux quatre coins de l'URSS.

Une repression féroce s'abattait sur ces opposants et leur famille. Si certains, face aux tortures et au chantage, finirent par capituler, bon nombre surent garder la même intransigeance que Trotsky et seul l'assassinat put les faire taire.

Planète sans visa

Mais en janvier 1929, Staline n'osa pas assassiner Trotsky. Il l'exila hors d'URSS, pensant ainsi l'isoler définitivement et le mettre hors d'état de continuer le combat. Il se trompait.

Malgré le flot de calomnies répandu par les staliniens, malgré l'assassinat de ses collaborateurs et des membres de sa famille, malgré la complicité des grandes puissances occidentales, qui se prétendant démocratiques, lui refusèrent souvent ne serait-ce qu'un simple visa, Trotsky va continuer la lutte. Par ses écrits, par sa correspondance, il va agir pour regrouper autour de lui une opposition communiste de gauche et combattre pied à pied la politique contre-révolutionnaire de Staline et de l'Internationale à sa botte.

Il ne s'est pas contenté de dénoncer le stalinisme, il en a expliqué aussi les racines. Il a su expliquer un phénomène complètement inédit dans l'Histoire : la dégénerescence de la première révolution ouvrière victorieuse par la formation d'une couche sociale entièrement nouvelle, la bureaucratie. Et c'est à ces questions, vitales non seulement pour l'époque mais pour l'avenir du mouvement ouvrier et de l'humanité, qu'il a su donner une réponse militante en s'appuyant sur la méthode marxiste.

Un héritage indispensable pour les révolutionnaires

Trotsky restait le seul dirigeant révolutionnaire de sa génération, possédant l'expérience et un capital politique qu il savait devoir transmettre en dépit des pires difficultés, de la répression féroce organisée par la dictature stalinienne.

Trotsky écrivait en 1935 : " Le travail que je fais en ce moment - malgré tout ce qu'il a d'extrêmement insuffisant et fragmentaire - est le travail le plus important de ma vie, plus important que 1917, plus important que l'époque de la guerre civile, etc. [...] Je ne peux pas dire que mon travail ait été irremplaçable, même en ce qui concerne la période 1917- 1921, tandis que ce que je fais est dans le plein sens du terme irremplaçable. "

Bien que traqué, Trotsky restait une menace si grande que, dès le début de la guerre, Staline le fit assassiner, privant la IVe Internationale qu'il venait de fonder de sa seule direction politique.

Staline, comme les dirigeants capitalistes, craignait qu'au travers de cette guerre, comme lors de la précédente, la classe ouvrière et une nouvelle génération militante renouent avec les idées communistes révolutionnaires, avec la tradition bolchévique, c'est-à-dire avec le trotskysme.

Léon Trotsky a maintenu le drapeau du communisme contre ses fossoyeurs. Par son analyse de la dégénérescence de l'URSS et par toute son activité de militant révolutionnaire prolétarien, il a légué aux nouvelles générations un capital politique unique permettant de comprendre le monde actuel afin d'agir pour le transformer.

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