Camp David : Arafat et Barak négocient la paix " sur le dos "des Palestiniens28/07/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/07/une-1672.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Camp David : Arafat et Barak négocient la paix " sur le dos "des Palestiniens

Depuis le 11 juillet, les délégations israélienne et palestinienne négocient à Camp David. Nous ne pouvons connaître le résultat de ce sommet à l'heure où nous écrivons. Pourtant, même s'il se conclut par un accord qu'Arafat et Barak présenteront comme " un nouveau pas vers la paix ", on ne voit guère ce qui pourrait en sortir de positif pour le peuple palestinien, ni d'ailleurs pour la paix en général. Sur tout si l'on se tourne vers le passé récent !

Cette paix, elle avait déjà été promise... par les premiers accords de Camp David, en 1978, entre Sadate et Begin : en échange d'une reconnaissance par l'Egypte, Israël évacuait le Sinaï, mais promettait aussi d'étudier l'idée d'une autonomie palestinienne. Cette promesse fut aussitôt enterrée.

Elle n'a été remise à l'ordre du jour que parce que le peuple palestinien s'est révolté, avec le déclenchement de l'Intifada, " la guerre des pierres ", en 1987. Le ministre de la Défense d'alors, Rabin, jura de " briser les Palestiniens ". Mais ceux-ci, au prix d'énormes sacrifices, de manifestations en harcèlements contre les patrouilles israéliennes, finirent par user leur adversaire. Cette guerre permanente et peu glorieuse, faite pour tenir les territoires occupés, démoralisait une partie des troupes et de la jeunesse israéliennes, exaspérait le ras-le-bol provoqué par l'inflation des dépenses militaires, le service militaire de trois ans passé en patrouilles dans les camps de réfugiés, le ras-le-bol d'être sans cesse sur le pied de guerre.

L'accord ratifié à Washington en 1993 n'aurait pas existé sans ces luttes de la population palestinienne. Il a été pourtant une escroquerie politique. Les concessions étaient de toute façon dérisoires : la reconnaissance d'une " Autorité palestinienne ", généreusement dotée de la petite ville de Jéricho et surtout de la poudrière de Gaza, 800 000 personnes entassées dans cette petite bande de terre aride. A l'époque, l'accord était censé inaugurer une " période de transition " (de cinq ans), le temps d'établir un " climat de confiance ".

Mais une transition vers quoi ?

Après l'accord de 93, les différents gouvernements israéliens ont bien cédé, de temps en temps, de nouvelles parcelles de territoires à l'OLP, mais ils ont continué en même temps leur politique de colonisation. Les implantations de colonies ont continué. La plupart d'entre elles ont certes été l'initiative de l'extrême-droite, mais aucun gouvernement n'a réellement cherché à l'affronter pour la faire reculer. Bien au contraire, ces colonies ont régulièrement bénéficié de crédits. On les a laissées s'armer, et l'Etat israélien a assuré leur sécurité, en déployant des troupes et en construisant les " routes de sécurité ", qui permettent aux colons de circuler sans trop risquer les jets de pierre, mais aussi de quadriller encore davantage les territoires occupés. C'est ainsi qu'à Hébron, l'armée a gardé le contrôle de 20 % de la ville pour protéger 400 colons, venus s'implanter au milieu des 120 000 habitants arabes. A Gaza même, 5 000 colons accaparent 40 % de la surface et 80 % des ressources en eau... face aux 800 000 Palestiniens.

L'Etat a aussi mené, directement, une politique de colonisation, en plein " processus de paix ". Il a continué de confisquer des terres et il a pris le contrôle de l'essentiel des ressources en eau. Autour de Jérusalem-Est, que les travaillistes avaient d'ailleurs annexée dès la conquête de 1967, les différents gouvernements ont annexé des villages arabes, étendu les limites de la municipalité, édifié des quartiers juifs dans la ville orientale, construit autour de celle-ci une ceinture de colonies de 230 km2 pour l'isoler du reste de la Cisjordanie. Les 230 000 habitants arabes de la ville ont été, eux, traités comme des résidents étrangers, soumis à une discrimination administrative et dotés d'un titre de séjour, qui peut être retiré en cas d'absence trop prolongée...

Pendant ce temps, 4 millions de réfugiés, chassés de chez eux au moment des conflits de 48 et 67, continuent de vivre en exil en Syrie, en Jordanie, au Liban ou dans les Territoires occupés, dont bon nombre dans les camps de réfugiés.

C'est sur la base de tous ces faits accomplis que Barak négocie aujourd'hui à Camp David. Quitte à promettre la rétrocession de quelques villages arabes de la banlieue de Jérusalem, ou le droit de l'OLP d'avoir quelques " signes de souveraineté ", c'est-à-dire le droit de planter ses drapeaux sur quelques immeubles, d'avoir ses limousines officielles, et de gérer quelques quartiers arabes de la ville...

La " paix " que construisent les dirigeants israéliens admet peut-être alors un " Etat palestinien " indépendant, à terme. Mais il ressemblera beaucoup aux Bantoustans de l'Afrique du Sud de l'apartheid : des réservoirs de main-d'oeuvre, corvéable à merci, enfermée dans ses " frontières ", ayant juste le droit d'aller travailler en Israël comme serveur ou ouvrier, pour un salaire dérisoire. Des " zones autonomes " qui auront le douteux privilège d'avoir leur propre police, où l'OLP se charge donc elle-même de maintenir l'ordre et de mener la répression.

C'est ce rôle de supplétif de l'armée israélienne qu'a accepté de jouer l'OLP depuis 93, tant ses cadres étaient pressés d'avoir enfin leur Etat, quelques parcelles de pouvoir, et les privilèges qui accompagnent le pouvoir.

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