L'anniversaire de la rafle du " Vel d'Hiv " : Ne rien oublier (éditorial des bulletins d'entreprise du 17 juillet 2000)21/07/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/07/une-1671.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

L'anniversaire de la rafle du " Vel d'Hiv " : Ne rien oublier (éditorial des bulletins d'entreprise du 17 juillet 2000)

Une loi votée le 10 juillet dernier a instauré une Journée nationale des victimes des crimes racistes et antisémites commis par l'Etat français, dont la commémoration a eu lieu, pour la première fois, le dimanche 16 juillet, anniversaire de la rafle des 16 et 17 juillet 1942, où 13 000 Juifs avaient été arrêtés chez eux au petit matin par 4 000 policiers français, pour être conduits au Vélodrome d'Hiver, leur dernière halte avant les camps d'extermination.

La vraie question, c'est pourquoi, depuis la fin de la guerre, n'a-t-on officiellement rien dit sur cette responsabilité de l'appareil d'Etat ?

On exaltait la Résistance mais on cachait ce rôle de l'appareil d'Etat français, constitué des mêmes hommes qu'avant-guerre, des mêmes que sous Pétain et surtout des mêmes qu'après la guerre sous de Gaulle et le gouvernement socialiste, communiste et de droite de l'époque.

Ce n'est qu'un demi-siècle après que Chirac a reconnu la responsabilité de l'Etat français. Avant, Mitterrand avait déclaré que la République n'avait rien à voir là-dedans, et les autres présidents s'étaient simplement tus.

Les policiers français n'ont pas fait, pendant quatre ans, qu'organiser la rafle du " Vel d'Hiv ". Ils ont fait d'autres rafles, bien plus fréquentes, dans les couloirs du métro, à la sortie des gares, et ont arrêté pêle-mêle des Juifs, des résistants, des insoumis du Service du Travail Obligatoire, des communistes ou tout simplement des malheureux qui avaient profité d'un jour de congé pour essayer de se procurer, dans les campagnes proches, un peu de beurre ou de viande.

Il y avait aussi tout le reste de l'appareil d'Etat, le même de la IIIe à la IVe République en passant par l'Etat de Pétain. Des juges, qui étaient là bien avant-guerre, qui sont restés sous Pétain et qui sont encore restés après la Libération. Des juges qui ont condamné des malheureux durant l'Occupation, qui ont livré des résistants et des communistes aux Allemands ou tout simplement les ont condamnés à la prison lorsque les Allemands n'en voulaient pas. Sans compter toute une hiérarchie juridique, policière, administrative, qui a couvert tout cela et dont la plupart ont gardé leur poste ou ont eu de l'avancement.

La raison du silence, c'est qu'avant la fin de la guerre, la bourgeoisie, les hommes politiques participant à l'exercice du pouvoir, de Gaulle depuis Londres ou Alger, craignaient que lors de la débâcle de l'armée allemande il y ait un vide étatique. Ils craignaient que ceux qui avaient participé au pouvoir de Pétain se fondent dans la nature et laissent la population régler elle-même ses problèmes, c'est-à-dire qu'elle se saisisse des biens de tous ceux qui avaient profité de la guerre.

De Gaulle, le Parti Communiste, le Parti Socialiste et le parti de droite de l'époque avaient besoin que cet appareil d'Etat reste en place pour maintenir l'ordre de la bourgeoisie. Ils lui demandaient seulement d'être aussi bon serviteur de la IVe République qu'il l'avait été de l'Etat français. Et la " Résistance " a servi à cautionner cela.

C'est pourquoi ni de Gaulle ni les présidents successifs n'ont rien dénoncé ; les communistes et les socialistes au pouvoir à la " Libération ", et tous les autres, n'ont rien dénoncé non plus, car il fallait maintenir l'Etat.

Aujourd'hui on rompt un peu le silence, mais personne ne parle des responsabilités des hommes politiques de l'époque et de ceux qui ont suivi.

Il ne faut donc rien oublier. Y compris que ceux qui ont voté à l'unanimité pour cette " journée du souvenir ", feraient eux aussi passer la raison d'Etat avant la vérité et avant les intérêts de la population.

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