Syndicats : La stratégie de l'émiettement11/02/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/02/une-1648.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Syndicats : La stratégie de l'émiettement

Les mouvements de grève et les manifestations se sont multipliés ces dernières semaines autour des mêmes problèmes. Les postiers ont protesté un peu partout contre l'allongement des tournées, l'alourdissement de la charge de travail. Le personnel des hôpitaux contre le manque de moyens et d'effectifs. Les employés des caisses de Sécurité Sociale et ceux des caisses d'allocations familiales ont fait grève ici et là pour demander des embauches car ils sont débordés de travail et des milliers de dossiers sont en souffrance. Aux Impôts et Finances, à l'origine des grèves et manifestations, une menace de contraction du personnel à l'échelle nationale. Dans les transports, les agents de la RATP ont protesté contre les modalités de la mise en place des 35 heures sans embauches et avec blocage des salaires. Les chauffeurs routiers ont établi des barrages contre l'entente entre le ministre des Transports Gayssot et leurs patrons visant à ne pas réduire leur temps de travail !

Ce qui est également remarquable, malheureusement, c'est l'émiettement de ces multiples luttes, émiettement qui semble bien faire partie de la stratégie des grandes centrales syndicales. Il faut dire qu'elles ont toutes, à commencer par la CFDT et la CGT, partie liée avec le gouvernement actuel. A propos des discussions sur le rapport Charpin sur les retraites, Seillière a été jusqu'à se déclarer " surpris de la qualité des interventions de la CGT ". De quoi inquiéter les travailleurs ! Face au récent chantage du MEDEF qui menace de quitter les organismes paritaires, Sécurité Sociale et Unedic, si on ne met pas en place un programme d' " approfondissement des relations entre les partenaires sociaux ", les différentes centrales ont couru ventre à terre à la réunion convoquée par le patron des patrons pour décider d'un calendrier de négociations.

Dans les différents mouvements en cours, tout se passe comme si les directions syndicales ne voulaient surtout pas accentuer le rapport des forces en faveur des travailleurs. Il s'agit de se battre chacun dans son bureau de poste, dans son hôpital, son école ou son lycée, son centre de sécurité sociale ou d'allocations familiales... Dans ces deux derniers secteurs il y a depuis septembre des grèves très suivies, mais département par département, et quand il y a eu un appel pour toutes les caisses primaires, il ne concernait pas les caisses d'allocations familiales ! C'est à l'organisation de la désorganisation que l'on assiste ! Voire à la démobilisation délibérée pour peu qu'un ministre parle de négociations avec le patronat. Le soir même de la grève des routiers, la CGT et la CFDT ont fait lever les barrages alors qu'elles n'avaient obtenu aucune garantie auprès de Gayssot.

Du côté des hôpitaux, où l'on a pourtant assisté à l'une de plus importante manifestations de ces dernières années, alors que certains des plus grands hôpitaux de Paris, de la banlieue et de grandes villes de province sont toujours en lutte, les centrales ont fixé la prochaine échéance au 14 mars, en se calant sur le calendrier des négociations annoncées par Aubry, comme si les dirigeants nationaux misaient sur un essoufflement du mouvement au lieu de l'encourager et de le renforcer.

Et somme toute, que demande Martine Aubry de plus, elle qui a toujours misé sur une atomisation des réactions face aux restrictions budgétaires, aux restructurations hospitalières, à l'application de la loi sur la prétendue réduction du temps de travail ? Les représentants syndicaux se précipitent aux tables de négociations, patronales ou gouvernementales, accompagnent prudemment les mouvements tant qu'ils restent localisés, appellent à la rigueur à des journées d'actions par secteurs histoire de lâcher un peu de vapeur, et se gardent bien de centraliser les échéances de mobilisation, sans parler des luttes en cours. A l'inverse, localement, les militants impliqués dans les mouvements auraient bien envie que ces luttes prennent de l'ampleur et convergent.

Ce n'est pas la volonté de réagir qui manque aux travailleurs. On le voit à l'occasion de tous les mouvements actuels. C'est une stratégie de lutte d'ensemble. Aux militants engagés dans ces différents mouvements de la mettre en oeuvre par eux-mêmes, sans attendre des initiatives sérieuses de la part de bureaucrates dont le seul souci est de ne pas mettre en difficulté ce gouvernement et d'être considérés comme des interlocuteurs valables auprès du MEDEF.

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