Leur société

Profits boursiers : Et ça repart

Les commentateurs boursiers ont qualifié janvier de "morose", sans doute parce que les cours de certaines actions avaient (un petit peu) baissé, leurs détenteurs se dépêchant de les vendre pour empocher les 50 % de hausse réalisés en 1999.

Mais dès février, c'est reparti à la hausse.

La Bourse de Paris (comme ses homologues étrangères) flambe à nouveau. Elle a gagné près de 10 % en une semaine et, cela devient une habitude, a crevé son plafond historique, l'indice boursier CAC dépassant les 6000 points. Cela, alors que dans les principaux pays industrialisés, cette même semaine, on évoquait des risques de relance de l'inflation, autrement dit... de certaines hausses de salaires. Mais il faut croire que la hausse des profits (en France, depuis six ans, elle n'a jamais été inférieure à 20 % l'an, et souvent bien supérieure) a une telle longueur d'avance sur les salaires (qui, eux, sont bloqués depuis des années dans bien des entreprises... et vont l'être à nouveau du fait de la loi Aubry) que cela n'avait pas de quoi inquiéter les boursicoteurs.

D'autant moins que de nouvelles concentrations industrialo-financières sont en cours et que les restructurations, autrement dit les licenciements qui vont les accompagner, promettent de nouveaux profits supplémentaires aux gros détenteurs d'actions.

C'est ainsi que la création d'un géant de la téléphonie mondiale avec l'absorption de l'allemand Mannesmann par l'anglais Vodaphone a dopé la Bourse de Paris car Vivendi (ex-Générale des eaux) est dans le coup. L'action Vivendi a grimpé de 16,6 % en quelques jours. Celle de France Télécom a bondi de 17,56 % car cette société serait en bonne position pour racheter un opérateur de téléphonie mobile dont Mannesmann devrait se défaire. Dans la foulée, Bouygues a gagné 22,53 % comme d'autres sociétés des télécommunications ou d'équipements pour les télécoms (+ 25,36 % pour Alcatel). Sans parler de celles qui sont liées aux médias ou au commerce sur Internet qui continuent, du fait des fusions en cours, à caracoler dans les hit-parades boursiers de France et de l'étranger.

Bien sûr, s'agissant surtout de l'Internet, et plus encore du commerce électronique, une bonne partie de cette hausse repose sur du vent. Mais pas seulement. Ce sont les fusions, avec leur cortège de "plans sociaux" et de suppressions d'emplois, qui rendent les entreprises plus rentables pour ceux qui en détiennent le capital. C'est le fait que la part de la rémunération du travail dans les bilans sociaux ne cesse de diminuer. Cela parce que, du fait des licenciements, on produit autant sinon plus avec moins de personnel et parce que, avec la précarisation de l'emploi, les embauches se font généralement à des salaires bien inférieurs à ceux des travailleurs licenciés ou partant en retraite.

Alors la flambée de la Bourse, par-delà ses aspects irrationnels, ne se nourrit pas de rien. Elle s'alimente du travail de ceux que l'on exploite toujours plus, comme de celui de ceux que l'on prive de leur emploi, car les deux sont liés.

Cette richesse boursière, devant laquelle s'extasient les chantres du "libéralisme", provient d'abord et surtout du travail de millions de salariés. Mais elle ne leur revient pas car c'est dans la poche et les coffres-forts des actionnaires qu'elle s'accumule. Et cela avec une impudence qui s'étale à la Une des journaux, sur les écrans de télévision, jour après jour, alors que la pauvreté, la misère s'étendent.

Alors, en attendant de pouvoir reprendre aux hommes du capital tout ce qu'ils leur ont volé et continuent à afficher qu'ils leur volent, les travailleurs n'ont aucune, mais vraiment aucune raison d'accepter que, sous prétexte de 35 heures façon Aubry-Jospin, on continue à geler, voire diminuer les salaires dans nombre d'entreprises qui croulent sous les profits.

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