Autriche : L'extreme droite au gouvernement et les responsabilites du parti socialiste et de la droite11/02/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/02/une-1648.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Autriche : L'extreme droite au gouvernement et les responsabilites du parti socialiste et de la droite

En Autriche, les tractations entre les différents partis politiciens ont abouti à une coalition entre le parti de la droite (ÖVP) et celui d'extrême droite, (FPÖ, Parti Libéral), qui se partagent les postes de ministre, même si son principal leader Haider n'en fait pas directement partie.

Les élections législatives d'octobre dernier s'étaient traduites par un renforcement du FPÖ de Jörg Haider. Avec 27,6 % des voix, il dépassait de peu le parti de la droite classique. Quant au Parti Socialiste, qui conduisait auparavant un gouvernement de coalition avec cette même droite, il avait obtenu seulement un tiers des voix (34 %). A Vienne, dans les quartiers populaires, un tiers de son électorat traditionnel lui avait fait défaut, en partie au bénéfice de Haider.

Au lendemain des élections, les deux partis traditionnels avaient d'abord cherché à repartir pour une nouvelle coalition. Ils ont négocié pendant trois mois et demi et même annoncé un accord : continuer la privatisation, baisser les charges patronales et relever l'âge de la retraite. Mais finalement l'accord ne s'est pas fait, ce qui ne veut pas dire que cette politique ne se poursuivra pas.

Le Parti Socialiste va sans doute essayer de profiter de cette cure d'opposition pour retrouver du crédit. A droite, le dirigeant de l'ÖVP, Wolfgang Schüssel, ambitionnait depuis longtemps le poste de Premier ministre. Il aurait dû encore l'abandonner à un socialiste en cas de poursuite de la même coalition, tandis qu'il l'obtenait avec un accord avec l'extrême droite. Apparemment, cela a été irrésistible.

L'ascension de Haider

Posant au " golden boy ", grand propriétaire forestier, Haider s'est lancé en politique en prenant le contrôle d'un petit parti d'ex-nazis, et il s'est associé à un capitaliste enrichi dans l'industrie du papier. Cela ne l'empêche pas de se prétendre démagogiquement un défenseur des pauvres. A la manière du milliardaire Le Pen, lui aussi a choisi pour cible les immigrés, faisant parfois l'éloge du régime nazi.

Elu gouverneur de la province de Carinthie en 1989, Haider avait été écarté après une déclaration sur la politique d'emploi du régime nazi, " convenable " selon lui. Il a retrouvé ce poste, avec l'appui de la droite, à la suite des élections régionales de mars dernier, où son parti a obtenu localement 42 % des voix, devant la droite et le Parti Socialiste.

Fief d'ex-nazis, cette province est aussi l'une des plus pauvres du pays. Le taux de chômage officiel y atteint 10 %, plus de deux fois la moyenne nationale. Elle est frontalière de la Slovénie, un Etat issu de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie et Haider y a exploité le sentiment nationaliste contre la minorité slovène de cette province. Il s'est aussi servi de l'inquiétude ressentie par une partie des Autrichiens devant l'arrivée de plus pauvres qu'eux, fuyant la guerre et la misère.

En Autriche, le nombre des travailleurs étrangers n'a cessé de progresser depuis 1970, passant de 100 000 à 300 000. La moitié vient de l'ex-Yougoslavie. Le gouvernement précédent, coalition du Parti Socialiste avec la droite, avait déjà multiplié les mesures répressives contre ces immigrés : rétablissement des visas, déploiement de militaires le long des frontières, restriction des demandes d'asile et, depuis 1993, quotas annuels en fonction des besoins de la production. La nouvelle coalition n'aura qu'à poursuivre.

Les responsabilités des autres partis

La protestation actuelle du Parti Socialiste autrichien contre la politique que pourrrait mener le parti de Haider au gouvernement est donc bien hypocrite. Le Parti Socialiste, à la tête d'une coalition avec la droite, s'est attaqué aux immigrés mais aussi aux travailleurs en général en imposant deux plans d'austérité.

La presse sort ces jours-ci des chiffres avantageux en matière de chômage pour suggérer que la crise économique ne touche pas l'Autriche. Mais même si l'Autriche reste relativement préservée, c'est un portrait avantagé. Un peu comme dans les pays du nord de l'Europe, la population autrichienne a pu longtemps bénéficier de revenus, directs ou indirects, plus élevés que la moyenne européenne. Mais, depuis 1992, il y a une réelle stagnation. A cette époque, le gouvernement a imposé le blocage des revenus en échange du maintien de l'emploi. Cela n'a pas empêché le chômage de se développer, atteignant 6,6 % en 1997. Dans un pays où la qualité des prestations sociales était liée aux salaires, la multiplication des chômeurs a fait apparaître une catégorie nouvelle : les pauvres. En quinze ans, le nombre de bénéficiaires d'aides sociales de Vienne a triplé.

Mais, pendant tout le temps de leur cohabitation, le Parti Socialiste comme la droite ont refusé la mise en place d'un RMI. Dans ce pays qui compte environ huit millions d'habitants, on considère que les deux tiers ont un revenu décent, mais que le tiers restant est largement défavorisé. Notamment, bien des femmes seules élevant des enfants ont vu, au fil des restrictions budgétaires de la coalition droite-gauche, leurs allocations diminuer. Les promesses de Haider, qui a fait les mêmes sans les tenir dans sa province de Carinthie, d'aider financièrement les mères de famille autrichiennes (pas les autres !) ont fait leur petit effet.

D'une façon générale, c'est cette couche appauvrie de la population que la démagogie de Haider a essayé d'attirer. Maintenant que son parti se retrouve au gouvernement, et notamment au portefeuille des Affaires sociales, on pourra juger ce qu'il en est de ces promesses.

Quant aux grandes puissances qui font la moue vis-à- vis du nouveau gouvernement, au moins le temps qu'il se mette en place, elles oublient facilement leurs propres responsabilités. Un porte-parole de Washington a trouvé " troublantes " les déclarations les plus réactionnaires de Haider. C'est faire preuve de la même hypocrisie qu'en 1986, quand les grands de ce monde avaient fait mine de découvrir que le président autrichien de l'époque, Kurt Waldheim, était un ancien nazi. Comme si le passé de cet ex-président des Nations Unies pouvait être inconnu ! Comme si les dirigeants des grandes puissances avaient pu oublier qu'au lendemain de la guerre, elles ont recyclé, à différents niveaux, à leur profit et contre l'URSS, une partie du personnel politique nazi.

L'arrivée du parti de Haider au gouvernement est une sorte de retour de bâton de la politique d'austérité menée par la coalition droite-gauche et ses attaques contre les travailleurs étrangers. Malheureusement, elle risque de se traduire par un renforcement des attaques contre les travailleurs et les classes pauvres d'Autriche et de nouvelles menaces contre les travailleurs immigrés ; une politique de plus en plus réactionnaire dans tous les domaines. Pour s'y opposer, les travailleurs autrichiens ne doivent compter que sur leurs propres forces.

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