Après l'" Erika " : Rien ne change11/02/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/02/une-1648.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Après l'" Erika " : Rien ne change

Le capitaine de l'Erika a été libéré et la justice française l'autorise à renaviguer. Il a été reconnu qu'il n'avait commis aucune faute et avait tout fait pour sauver son équipage et éviter la catastrophe. C'est pourtant lui qu'on avait mis en prison...

Interrogé par des journalistes de Libération, le capitaine a raconté comment cela se passe sur ce type de vieux pétroliers, pleins à ras bord de produits dangereux et polluants, et comment des catastrophes comparables à celle de l'Erika ne pourront pas manquer de se reproduire, à un bout ou à un autre des océans, tant que " tout est dominé par l'argent ". Car avant toute considération de sécurité, c'est la préoccupation du moindre coût qui commande.

Dans le quotidien du 7 février, le capitaine expliquait que, sur l'Erika, ils étaient vingt-six hommes embarqués au lieu de la soixantaine nécessaire, que pour la première fois il naviguait sans officier radio, celui-ci étant remplacé par une sorte de " boîte noire " et que, pendant la tempête, seul, il n'avait pas eu le temps de faire face à toutes les tâches indispensables.

Tous les faits rapportés par le capitaine de l'Erika sont connus, depuis longtemps : des navires pourris continuent de sillonner les mers et la réduction des coûts se fait aussi aux dépens des équipages. Pour les deux tiers, ils sont composés d'hommes venant des pays les plus pauvres du monde, sans garantie de salaire, sans protection sociale d'aucune sorte. Sur les navires, les conditions d'alimentation, d'hygiène, de vie et de travail sont lamentables, " jusqu'à mettre les équipages en dessous du seuil de sécurité et d'endurance ", a déclaré le capitaine de l'Erika. Pour les marins, le fait de parler de multiples langues, de ne pas se comprendre, rend les travaux sur le navire encore plus difficiles et dangereux.

Ni les réglementations internationales, ni les autorités de contrôle, ni les gouvernements, n'ont changé quoi que ce soit à cette situation. A la suite du naufrage de l'Erika, Total et ses actionnaires n'ont pas été inquiétés et leurs bénéfices continuent de se bien porter. Desmarest, le PDG de Total, peut polluer 400 km de côtes, il n'est même pas mis en examen, soulignait un participant à la manifestation qui a rassemblé quelque 20 000 personnes dans les rues de Nantes, samedi 5 février.

Total comme tous les pétroliers - pour ne parler que d'eux - n'ont rien à craindre des gouvernements des principaux pays industrialisés (y compris de celui de la gauche plurielle, ici, en France), pour lesquels il n'est pas question d'interdire le transport dans des conditions inadmissibles, par des navires incontrôlables, immatriculés dans des paradis fiscaux, de milliers de tonnes de produits dangereux à un titre ou à un autre. Ce serait pourtant là une mesure d'urgence pour limiter un tant soit peu l'irresponsabilité qui préside au transport maritime, par lequel passent les quatre cinquièmes du commerce international.

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