Un débat houleux au Parlement européen : Un vote commun PS, PC, Verts et... Pasqua(la "taxe Tobin")28/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1646.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Un débat houleux au Parlement européen : Un vote commun PS, PC, Verts et... Pasqua(la "taxe Tobin")

Un projet de taxe, dite taxe Tobin, sur certains mouvements de capitaux trop rapides entre les Bourses du monde, et considérés comme les seuls à être spéculatifs, a beaucoup agité la semaine dernière, au Parlement européen, une coalition de députés, allant du PS à Charles Pasqua en passant par l'UDF, les Verts et le PCF.

Le nom de ce projet de taxe vient de James Tobin, un économiste américain, Prix Nobel d'économie et ancien conseiller des présidents américains Kennedy et Carter. Comme adversaire du capitalisme, on fait mieux et Pasqua ne s'y est pas trompé. Ce Tobin considère, avec d'autres financiers, que ces échanges trop rapides de capitaux perturbent le fonctionnement des marchés boursiers internationaux et qu'il faudrait les ralentir pour le bien des finances mondiales. Pour cela, il propose d'instituer une taxe à taux faible, de un pour mille, sur les achats ou ventes d'actions, d'un pays à un autre, à trop court terme.

Que la Bourse rapporte des profits énormes, que toutes les actions montent sans cesse - 50 % en 1999 en France - parce que les bénéfices des plus grandes sociétés ne font que croître, cela ne le gêne pas ni, bien sûr, les capitalistes qui pensent comme lui. Ceux dont il veut rogner les ailes sont les francs-tireurs, ceux qui perturbent la croissance régulière des bénéfices et la spéculation boursière raisonnable.

C'est en s'inspirant de ce James Tobin qu'au Parlement européen de Strasbourg, les députés socialistes, du PCF, Verts et Charles Pasqua ont concocté une résolution proposant d'étudier si une telle taxe serait utile et possible pour assurer le bon fonctionnement des marchés financiers mondialisés.

Pas d'illusion : il ne s'agit pas de taxer plus lourdement les profits boursiers, cela deviendrait révolutionnaire.

Une telle proposition n'a été faite que pour la galerie et Pasqua qui a été dans le coup, et qui est l'un des meilleurs amis du patronat, sait ce qu'il fait.

Les élues de Lutte Ouvrière au Parlement européen n'y sont pas pour assurer un meilleur fonctionnement des marchés boursiers mondialisés. Elles y sont pour être la voix des travailleurs et un grain de sable dans les manoeuvres publicitaires de tous ces messieurs et, bien entendu, Arlette Laguiller et les deux autres élues de Lutte Ouvrière ont voté contre cette proposition et Alain Krivine s'est abstenu.

Il se trouve que le projet n'a été repoussé qu'à une faible majorité et de là une grande partie de la presse, dont l'Humanité, a accusé Arlette Laguiller d'avoir empêché le projet de passer. Le PCF a même envoyé une circulaire interne à tous ses responsables pour qu'ils reprennent largement cette attaque.

Mais si le vote par le Parlement européen avait été si important pour les travailleurs, pourquoi une partie des députés socialistes, de ceux des Verts, et Robert Hue lui-même, étaient-ils absents ? Robert Hue était à la réception de Gayssot au ministère des Transports, où il a rencontré des gens aussi intéressants que Jean-Luc Lagardère, PDG du trust Matra-Hachette. S'ils avaient été présents, leur fameuse proposition serait passée, avec ou sans la voix d'Arlette Laguiller.

De plus, le Parti Socialiste, le PC et les Verts qui, en France, sont majoritaires au Parlement et dirigent le gouvernement, pourraient, s'ils la trouvent si utile, instituer une telle taxe. Ils ne l'ont ni fait, ni même proposé. Ils ne l'ont proposée que là où c'est le plus inefficace, au Parlement de Strasbourg qui n'a aucun pouvoir exécutif.

En fait cette taxe ne diminuerait en rien les problèmes des travailleurs, elle n'empêcherait pas les concentrations et les fermetures d'entreprises, elle ne diminuerait pas le chômage, elle n'empêcherait pas la loi Aubry de permettre au patronat d'imposer la flexibilité des horaires de travail, comme par exemple le travail du samedi là où il n'existe pas. C'est cela les problèmes des travailleurs, et la taxe Tobin n'est que de la poudre aux yeux.

Editorial des bulletins Lutte Ouvrière du 24 janvier

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