Leur société

Prisons : La barbarie derrière les hauts murs

Le témoignage du médecin-chef de la prison parisienne de la Santé, qui va paraître dans les jours qui viennent en librairie et dont la presse s'est fait l'écho, a levé une nouvelle fois un coin du voile sur la situation qui règne dans les prisons françaises. Du coup la direction pénitentiaire a même autorisé, et c'était une première, les journalistes à visiter pendant quelques heures la Santé. La ministre de la Justice Elisabeth Guigou s'est même fendue d'une déclaration pour dire que la situation dans les prisons " n'était pas digne d'un pays comme la France ", ni sans doute d'une ministre comme elle. Mais combien de fois a-t-on entendu de tels propos ? Combien de fois a-t-on pu voir des ministres faire cette sempiternelle autocritique, sans conséquence ?

Même si on nous dit que la situation s'est améliorée, qu'aujourd'hui c'est moins pire, il n'empêche que les prisons, c'est le domaine de l'ignoble. Un univers de saleté, de manque d'hygiène mille fois décrit. " Je repars courir les couloirs, crasseux, pleins de taches suspectes, de détritus, de restes de bouffe, de bêtes diverses, gros rats, cafards, petites souris. Les murs partent en lambeaux, les carreaux sont cassés, les chasses d'eau fuient... La crasse partout, la vétusté en plus ". Mais c'est surtout un univers où tout est fait pour bafouer la dignité humaine.

Les prisonniers vivent dans des cellules de dix mètres carrés, entassés à trois ou quatre ; le WC n'a pas de paravent...

Dans cette effroyable promiscuité, la sécurité de chacun n'est pas assurée. La direction ferme les yeux. " Pour elle, la privation de liberté, c'est la privation de plaisir ". Mais le sexe est omniprésent au travers de l'homosexualité, des viols, des pressions et des chantages qui lui sont liés.

Les détenus appellent le passage au quartier d'isolement " la torture blanche ". Mais la torture, elle est également dans chaque instant de la vie quotidienne.

Cette situation rejaillit sur le personnel pénitentiaire. L'inhumanité subie par les prisonniers engendre l'inhumanité pour ceux qui les gardent.

Maintenir ces conditions, c'est exclure toute réintégration ultérieure. Une société qui tolère un tel univers est une société malade, qui, après avoir créé une bonne part des asociaux qu'elle enferme, fait tout pour les briser. Sa seule démarche relève d'une volonté de revanche, du désir ambigu de punir, de cette antique et barbare loi du talion, sans même qu'en retour cela permette vraiment de mieux protéger la collectivité des effets de la délinquance. Ça n'est rien d'autre que la barbarie... concentrée.

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