Le rapport d'enquête sur l'Erika : La recherche du profit explique tout21/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1645.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Le rapport d'enquête sur l'Erika : La recherche du profit explique tout

Le rapport du Bureau Enquête Accident-mer, remis au ministère des Transports jeudi 13 janvier, est accablant pour l'affréteur TotalFina et la société RINA chargée de vérifier l'état du bateau.

Les résultats de cette première enquête confirment que c'est bien la course au profit qui est responsable de la marée noire, quelle que soit l'opacité qui entoure les titres de propriété du navire. Grâce à un système complexe de sociétés-écrans, les enquêteurs sont actuellement dans l'incapacité de savoir précisément qui est réellement le propriétaire de l'Erika et TotalFina prétend qu'elle ne s'est jamais souciée de le savoir. Bien pratique pour éluder les responsabilités !

En tout cas TotalFina savait parfaitement que ce vieux bateau de 23 ans souffrait de corrosion. La compagnie qui l'a utilisé quatre fois en 1999 l'avait jugé, à cause de son état de vétusté, seulement " affrétable au voyage " c'est-à-dire pour seulement quelques semaines et non " à temps ", c'est-à-dire pour de longues courses de plusieurs mois. Le rapport le souligne en toutes lettres : " Les produits les plus polluants sont transportés par les navires les moins sûrs " et surtout les moins chers ! TotalFina pariait sur le fait que le navire tiendrait.

Et c'est bien là le problème avec ces grandes compagnies qui s'en tirent en disant qu'elles ne sont pas responsables alors que c'est à cause des conditions qu'elles imposent sur le marché que des vieux rafiots comme l'Erika continuent de sillonner les mers.

Quant à la société italienne chargée de contrôler l'Erika, la société RINA, elle est épinglée par ce même rapport pour son laxisme. Elle aurait demandé des réparations liées à la corrosion de la coque, tout en accordant par anticipation les certificats de circulation. Ces sociétés ne sont guère regardantes.

Quant à l'Etat français, il exerce un nombre réduit de contrôles. Les inspecteurs dans les ports ne sont que 45 en France. Ils n'ont, par exemple, pu inspecter que 13 % des navires étrangers ayant accosté en France en 1999. L'Erika n'en a pas fait partie. Ce contrôle trop superficiel ne leur aurait d'ailleurs sans doute pas permis de vérifier l'état des parois des citernes et de la coque responsable du naufrage.

55 % de ces bateaux inspectés en 1999 étaient en infraction plus ou moins grave, la moitié mettant en jeu la sécurité de l'équipage. Alors que penser de l'état des bateaux qui sont passés entre les mailles des contrôles ?

Plus on en apprend sur la pratique des navires de complaisance, la manière insuffisante dont ils sont inspectés et comment les compagnies pétrolières s'en lavent les mains, plus il est évident que d'autres marées noires auront lieu si des mesures bien plus énergiques que celles qui sont envisagées ne sont pas prises. Prétexter la nécessité d'un accord européen ou international pour agir n'est qu'un faux-fuyant. Il y aurait toute une série de mesures à prendre, à commencer par l'obligation de contrôles techniques réguliers par des organismes indépendants des compagnies pétrolières et des armateurs, dont le coût doit être assuré par ces derniers en prenant sur leurs profits.

Le gouvernement français a bien choisi de braver les règlements de l'Union européenne pour s'opposer à l'importation de boeuf britannique, en invoquant l'intérêt général. Mais pour la circulation des matières dangereuses sur mer, il ne montre pas la même détermination à imposer une réglementation stricte, quel que soit l'usage international. Sans doute parce qu'il faudrait s'opposer aux grandes compagnies pétrolières, françaises ou pas, dont elle écornerait les économies mais cette fois pour le plus grand profit de tous !

Cette pleutrerie devant les puissances d'argent est congénitale à tous les gouvernements, étiquetés de droite ou de gauche.

Pourtant qui oserait dans l'opinion se dresser contre des décisions de salut public visant à protéger l'environnement et les conditions de travail des travailleurs de la mer ? Personne. Mais braver l'opinion est moins grave pour ces soi-disant gouvernants que de braver les grandes puissances du fric !

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