Chili : Le Parti Socialiste retrouve le pouvoir, le massacreur Pinochet conserve l'impunité21/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1645.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Chili : Le Parti Socialiste retrouve le pouvoir, le massacreur Pinochet conserve l'impunité

A entendre les commentaires sur l'élection du socialiste Ricardo Lagos à la présidence du Chili, tout serait aujourd'hui, là-bas, pour le mieux. Même si le gouvernement de la Grande-Bretagne décide, comme c'est le plus probable, de ne pas extrader l'ex-dictateur Pinochet vers l'Espagne et le renvoie dans son pays, il devrait, nous dit-on, y découvrir pour son châtiment ses adversaires politiques au pouvoir.

La réconciliation nationale serait, nous dit-on encore, en bonne voie puisque le candidat de la droite Joaquin Lavin, qui fut pourtant un des proches de Pinochet au temps de la dictature, serait venu en personne féliciter publiquement son rival.

Bref, la féroce dictature mise en place en septembre 1973 par les militaires chiliens ne serait plus qu'un mauvais souvenir qu'il conviendrait tout simplement d'oublier.

Pourtant, les travailleurs chiliens n'ont pas intérêt à oublier les leçons de 1973 qui valent aussi pour les travailleurs de tous les pays.

La droite chilienne n'était pas plus réactionnaire au moment de l'élection d'Allende à la présidence de la République, en 1970, qu'elle ne l'est aujourd'hui. C'est même grâce à un vote favorable des députés de la Démocratie Chrétienne qu'Allende, qui était arrivé en tête au premier tour des élections, fut proclamé élu. Et ce même Pinochet, qui le renversa par les armes trois ans plus tard, était alors un de ces généraux " républicains " auquel le gouvernement dirigé par le Parti Socialiste appelait à faire confiance.

Allende ne voulait rien changer de fondamental en faveur des travailleurs. Il voulait simplement arracher son pays à l'emprise de l'impérialisme américain. Mais sa politique en ce sens rencontra évidemment l'opposition de celui-ci et celle de tous ceux qui, parmi les milieux dirigeants chiliens, craignaient les travailleurs sur qui Allende s'appuyait. Quand il apparut qu'un coup de force était prévisible, quand une première tentative de putsch militaire, à l'été 1973, montra la réalité de cette menace, Allende et le gouvernement socialiste continuèrent à appeler les travailleurs à faire confiance aux militaires. Ils envoyèrent même en prison des marins qui voulaient s'opposer aux préparatifs de leurs officiers.

C'est qu'Allende, comme tous les politiciens qui se disent socialistes, mais qui n'ambitionnent que de servir au gouvernement les intérêts généraux des industriels et des banquiers de leur pays, ne voulait surtout pas appeler les travailleurs à se préparer et à se défendre contre un putsch éventuel. Il a au contraire lié les mains de tous ceux qui lui faisaient confiance.

En mourant le jour du putsch dans le palais présidentiel, il ne faisait qu'assumer sa politique. Mais les travailleurs morts dans leurs quartiers canonnés, bombardés par les forces de Pinochet, mais les militants ouvriers assassinés dans une répression sans merci payaient, eux, le fait d'avoir fait confiance à un dirigeant qui se sentait bien plus responsable devant les possédants que devant les travailleurs dont les voix l'avaient porté au pouvoir.

Quant à la bourgeoisie chilienne, elle avait eu devant le gouvernement socialiste l'attitude de toutes les bourgeoisies du monde, qui acceptent la gauche au gouvernement quand elles pensent que cette gauche peut leur rendre des services, qui la rejettent quand elles n'en ont plus besoin, et qui n'hésitent pas alors, au besoin, à recourir à la pire violence.

Nous ne craignons évidemment rien de tel, aujourd'hui, en France, parce que la bourgeoisie ne peut que se féliciter de la politique que mène au gouvernement la " gauche plurielle ", qui prend en sa faveur des mesures qui, venant de la droite, risqueraient de susciter des réactions plus grandes du monde du travail. Mais n'oublions pas, cependant, que derrière le théâtre parlementaire il y a l'armée, la police, en un mot un appareil d'Etat qui est le pire ennemi des travailleurs, et que ceux qui nous demandent de nous en remettre à lui ne cherchent qu'à nous endormir.

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