Lire : Dans l'Etat le plus libre du monde, de B.Traven07/01/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/01/une-1643.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

Lire : Dans l'Etat le plus libre du monde, de B.Traven

Avant de se réfugier au Mexique et d'y écrire ces romans pétris de révolte que sont Rosa Blanca, La révolte des pendus et bien d'autres, B. Traven fut un jeune révolutionnaire dans l'Allemagne de la Première Guerre mondiale et les années révolutionnaires qui la suivirent. Il s'appelait en ce temps-là Ret Marut, et commença à l'automne 1917 la publication à Munich d'une revue antimilitariste, Der Ziegelbrenner (ce qui signifie le cuiseur de briques).

Quelques articles de cette revue constituent ce petit livre. Ils concernent la période de la fin de la guerre de 1914-1918, de la révolution allemande de 1919, des événements révolutionnaires de Bavière, auxquels Ret Marut participa et qui se soldèrent par l'écrasement de la République des Conseils de Bavière. Arrêté au cours de la répression qui s'abattit sur Munich en mai 1919, il échappa par miracle à l'exécution sommaire et, après quelques années de fuite, réussit à s'embarquer pour le Mexique.

Ces brefs articles dénoncent le sort fait aux travailleurs, avec la même force que celle de tous les romans de Traven. Marut pourfend le régime impérial, puis la république de Weimar qui lui succède et pendant laquelle les corps francs pavoisent, république dont les chefs sociaux-démocrates, qui dirigèrent la répression, osèrent dire qu'elle était, de la Bavière à la Prusse, " l'Etat le plus libre du monde ", mais où " profiteurs et usuriers, racketteurs, assassins crapuleux et tueurs de rebelles mènent une vie de luxure et de débauches, pendant que les travailleurs et les révolutionnaires sont massacrés au fond des geôles et des pénitenciers " comme l'écrit alors Ret Marut.

Ret Marut revendiquait de n'appartenir à aucun parti, au nom de sa " liberté personnelle ". C'est manifestement du courant anarchiste qu'il était le plus proche. Comme écrivain, sous le nom de Traven, il choisit de continuer le combat contre une société qu'il haïssait. Et il garda intacte la révolte de ses jeunes années pour décrire dans ses livres le sort réservé par le capitalisme aux parias de son nouveau pays, les Indiens des plantations et des forêts mexicaines, ou encore pour dénoncer une société dans laquelle l'argent pourrit tous les rapports. Ceux qui ont apprécié ses romans liront avec intérêt ces articles de l'époque où, dans l'Allemagne en révolution, il était directement engagé dans l'action et n'oubliait pas, au détour d'un paragraphe, de saluer la portée de la révolution russe de 1917.

Cela dit, l'éditeur a permis qu'une brève préface et une chronologie des événements non signées, que n'embarrasse aucun souci de vérité historique pour évoquer la position de Lénine à l'égard des événements révolutionnaires de Bavière, accompagnent les textes de l'auteur. La chronologie en particulier laisse entendre à plusieurs reprises une prétendue hostilité déclarée de Lénine et des communistes à l'égard des événements révolutionnaires de Bavière, alors que l'une des premières déclarations de Lénine (27 avril 1919) a été pour saluer " de tout coeur la République des Soviets de Bavière " et s'inquiéter des mesures prises pour assurer le succès de la révolution.

La mauvaise foi des commentateurs n'enlève cependant rien à l'intérêt des textes de Ret Marut-B. Traven.

Daniel MESCLA

Dans l'Etat le plus libre du monde, de B. Traven, Ed. Babel, 120 pages

Partager