Voir : Mobutu, roi du Zaïre, de Thierry Michel22/10/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/10/une-1632.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Voir : Mobutu, roi du Zaïre, de Thierry Michel

A l'aide d'images d'archives souvent inédites, d'interviews de témoins plus ou moins proches de Mobutu, le réalisateur belge Thierry Michel signe un documentaire politique sur l'ascension, le règne et la chute du dictateur zaïrois, de 1960 à 1997, qui est très intéressant.

Il ne s'agit pas d'un tableau d'ensemble sur les problèmes économiques et sociaux du Zaïre, mais de l'itinéraire de Mobutu, lequel est largement centré sur sa mégalomanie. Ce parti pris serait très réducteur, voire gênant, car Mobutu n'était évidemment pas un fou isolé, suspendu en l'air. Mais le film est heureusement ponctué par des rappels montrant les liens établis entre Mobutu et tous les grands de ce monde (et leurs services spéciaux).

De nombreux témoignages illustrent d'abord la manière dont Mobutu s'empara du pouvoir, au début des années 1960, avec l'aide de la CIA contre son rival Patrice Lumumba, Premier ministre du jeune Etat congolais indépendant. A commencer par le témoignage du chef de la CIA au Congo, Larry Devlin, qui laisse entendre avec un certain cynisme que la décision de faire éliminer physiquement Lumumba (à défaut de le faire taire politiquement, car jugé trop indépendant en cette période de guerre froide) venait directement de la Maison Blanche. Les services secrets américains trouvèrent en Mobutu l'homme de la situation. De cette époque d'ailleurs, naquit une amitié indéfectible avec... George Bush, qui adopta l'un de ses fils et fut l'un de ses plus fidèles soutiens tout au long de son règne.

Lumumba assassiné, Mobutu organisa son coup d'Etat avec l'aide de l'armée, se débarrassa du chef de l'Etat et fit pendre les ministres encombrants. Ainsi naquit l'une des dictatures les plus féroces de l'Afrique équatoriale. Dictateur mégalomane, Mobutu Sese Seko transforma l'ex-Congo belge, devenu Zaïre, en un régime policier et sanguinaire. La population fut embrigadée de force dans le parti unique. Le ministre de l'Information de Mobutu, un personnage veule, explique benoîtement comment il mit les moyens d'informations au service de la dictature pour mieux duper la population.

Vomi par la population du pays qui survivait dans la misère (notamment celle de Kinshasa, la capitale où il n'osait plus mettre les pieds), Mobutu considérait le pays comme sa propriété personnelle à l'instar de l'ancien colonisateur belge, le roi Léopold II. Il pilla donc sans vergogne le pays, riche en or, en diamants et en minéraux divers. Il amassa ainsi une fortune colossale, l'une des plus importantes de la planète ; une fortune de plusieurs milliards de dollars équivalant à la dette du Zaïre. Népotisme et clientélisme, affairisme et corruption furent les maîtres mots de son règne. Enrichissement extrême de la camarilla au pouvoir et appauvrissement des quarante millions de Zaïrois, telle a été la réalité du Zaïre durant ces dernières décennies.

Autoproclamé maréchal et président à vie, Mobutu fut accueilli à bras ouverts par les gouvernants du monde entier, de Richard Nixon à George Bush, du roi Baudouin de Belgique à Elisabeth II d'Angleterre. Les images d'archives retrouvées par Thierry Michel sont très révélatrices des liens qui unissaient le dictateur aux différents chefs d'Etat français. La France apporta son soutien politique, militaire et financier au dictateur Zaïrois jusqu'à sa chute. Il faut entendre un Valéry Giscard d'Estaing affirmer que Mobutu était son " ami personnel ". Président de la République, Giscard parvint à sauver le pouvoir chancelant de " son ami " en faisant sauter la légion sur Kolwezi, en 1978. Il faut entendre Jacques Chirac proclamer haut et fort toute " l'affection " qu'il porte au maréchal Mobutu, tout comme entendre Raymond Barre reprendre le refrain d'une chanson à la gloire du dictateur lors d'une réception grotesque. Mobutu était autant réputé pour la rapacité avec laquelle il spoliait son peuple que pour la générosité qu'il prodiguait à l'égard de ses puissants parrains français ou américains, parrains dont il finançait les campagnes électorales à coups de millions de francs ou de dollars.

Pendant trente ans, Mobutu s'accrocha au pouvoir bec et ongles. Menacé à plusieurs reprises par des révoltes populaires, toutes noyées dans le sang, son régime ne dut sa survie qu'à l'aide militaire des grandes puissances impérialistes et notamment française (dont les multinationales participaient au pillage des richesses du sous-sol) selon l'aveu de ses propres conseillers politiques et militaires, souvent des Européens. Et c'est l'un des principaux mérites, et non des moindres, du film de Thierry Michel que de le montrer.

Un film à voir. Malheureusement, il n'est projeté que dans une seule salle, à Paris : Espace Saint-Michel, 7 place Saint-Michel. Et comme il y a foule, il est préférable d'arriver plus d'une demi-heure avant chaque séance si on veut espérer voir le film.

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