A propos de "l'autonomie du mouvement social"22/10/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/10/une-1632.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

A propos de "l'autonomie du mouvement social"

Une bonne partie de la presse a fait étalage de l'appel d'un certain nombre de responsables ou de membres d'associations, s'autoproclamant « représentants du mouvement social», qui s'insurgent contre «la récupération politique» et se revendiquent de «l'autonomie du mouvement social ». Une telle sollicitude de la presse, en particulier de celle qui affiche un penchant marqué pour Jospin et le PS, s'exprimant à la veille de la manifestation du 16 octobre, organisée à l'initiative du PCF, n'est pas politiquement gratuite. Elle a visé à peser contre la réussite de cette manifestation. En vain d'ailleurs.

Notons en passant que ces personnalités, si jalouses de leur autonomie, n'ont pas ressenti le besoin de se démarquer de cette campagne de presse au travers de laquelle ils ont été largement utilisés et « instrumentalisés », pour reprendre leur vocabulaire. Notons aussi, du même coup, que leur souci d'indépendance, et le respect de tout ce qui n'est pas eux, ne vont pas jusqu'à s'appliquer la réserve qui devrait leur interdire d'adjoindre à leur signature la référence au syndicat auquel ils appartiennent. Car les adhérents de ces syndicats ne partagent sans doute pas leur démarche. Le souci d'autonomie est donc à géométrie variable.

Annick Coupé, membre de la direction de Sud-PTT et de AC ! - qui n'était pas signataire de l'appel -, mais qui se situe dans la même démarche, donne les raisons de son refus de s'associer à la manifestation du 16 octobre, dans une interview parue le matin même de la manifestation dans le quotidien Libération. Elles sont significatives. Elle s'y plaint que ce soit le PCF qui ait eu l'initiative de cette manifestation, et qu'il «ait mis le mouvement social, y compris les syndicats, devant le fait accompli. Cela a commencé par un appel de Robert Hue lors de la Fête de l'Humanité, suivi de la décision de manifester le 16 octobre. C'était à prendre ou à laisser. C'est inacceptable. » '

La belle affaire! Qu'ont à voir ces petites querelles de préséance, ces rivalités de boutiques, avec l'intérêt des travailleurs, y compris avec l'intérêt du mouvement social, pris au plein sens du terme? La question que l'on devait se poser n'est pas de qui vient l'initiative -il faut bien que quelqu'un en prenne- ni même quels sont les calculs des uns et des autres, et ils existent, personne ne l'ignore. ll s'agissait de savoir si cette initiative sert ou pas la classe ouvrière et la population laborieuse, si elle leur permet de faire un pas dans la prise de conscience de leur rôle et de leur force. Il s'agissait d'apprécier si les dizaines de milliers de manifestants qui se sont retrouvés dans les rues de Paris ce samedi 16 octobre,y pouvaient aider à la préparation d'une riposte, allant en s'élargissant, à la politique antiouvrière du patronat, qui trouve ses appuis, ses relais, ses encouragements dans les mesures prises par les Jospin, Aubry, Strauss-Kahn et compagnie.

Certains de ces « représentants » du mouvement social, ceux qui donnent de la voix aujourd'hui, se désintéressent de cet aspect, préférant se draper dans leurs particularismes. Ils négligent, quant ils ne les combattent pas, toutes les initiatives qui permettraient de faire évoluer le rapport de force en faveur du monde du travail, face à ses ennemis. Pourtant une attitude inverse de celle qu'ils ont choisie aurait été plus positive et les aurait même aidé considérablement dans les combats qu'ils entendent mener, que ce soit la défense des chômeurs, des sansabri, des sans-papiers et des autres victimes du système, et de la politique de ce gouvernement.

Ajoutons que cette « autonomie » qu'ils revendiquent est sélective. Ces « acteurs des mouvements sociaux» n'ont pas eu ce même soin jaloux de la préserver lorsqu'il s'agissait de défiler, il n'y a pas si longtemps, aux côtés du PS, lorsque celui-ci ne répugnait pas à le faire dans la rue, c'est-à-dire lorsque ce parti était encore dans l'opposition. On les voit bien plus sourcilleux aujourd'hui de protéger leur pureté quand l'initiative vient du PCF. C'est qu'aussi radicaux qu'ils se prétendent, ils ne se situent pas sur le terrain de la lutte de classe. Ils refusent d'inscrire leur action dans la perspective du renversement du capitalisme, avec qui ils voudraient bien trouver des aménagements. En un mot, ils n'inscrivent pas leur combat dans la perspective du communisme. Ce qu'ils ne prétendent pas eux -même d'ailleurs.

Leur refus de se retrouver dans la rue - heureusement certains d'entre eux y étaient - n'a pas fait avancer les choses, ni même leur cause. S'ils avaient su se garder d'un choix finalement assez politicien,en participant à la manifestation du 16 ils auraient même pu y trouver l'occasion de confronter leurs conceptions et leurs forces à celles du mouvement ouvrier, qu'il se reconnaisse dans le PCF ou dans l'extrême gauche. Mais c'est peut-être justement ce qu'ils ne voulaient pas, craignant que cette confrontation et la comparaison ne tournent en leur défaveur

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