Lire : Les saisons de Giacomo, de Mario Rigoni-Stern22/10/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/10/une-1632.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Elle n'est pas très drôle, la vie des humbles, dans l'Italie fasciste de la fin des années vingt et des années trente, même quand les échos des discours du " Duce " Mussolini ne parviennent qu'atténués comme c'est le cas sur le plateau d'Asiago, cette terre des confins italo-autrichiens où est né l'auteur, Mario Rigoni-Stern, qui s'en est fait le romancier.

La vie est rude bien sûr parce qu'on est dans une montagne aux pauvres ressources, mais aussi parce que cette montagne est encore meurtrie par les conséquences de la guerre, celle de 1915-1918 entre l'Italie et l'Autriche, dont le plateau a été un des principaux champs de bataille. Il faut reconstruire les maisons, les villages, nettoyer peu à peu les champs de tous les débris laissés par la guerre. Les tranchées, les casemates, les munitions, les obus non éclatés, tout cela est encore là, parfois même aussi les cadavres décomposés des soldats italiens ou autrichiens. Cela fournit même un revenu de complément aux hommes du plateau qui se font récupérateurs du cuivre, du fer ou du plomb des munitions, au risque d'y laisser leur peau si un obus éclate malgré leurs précautions.

Pour Giacomo, né à la fin de la guerre, ces années-là sont celles de sa jeunesse et cette montagne meurtrie le théâtre de ses jeux d'enfant. Ce sont aussi malgré tout des années de bonheur, celles où son amie d'enfance devient sa fiancée et où tous deux échafaudent des projets d'avenir.

Mais le régime qui règne à Rome se fait connaître jusque sur le plateau d'Asiago. C'est d'abord de façon apparemment anodine, parce que les jeunes sont conviés à faire partie des " Balilla ", la jeunesse fasciste. Il y a aussi les " avant-gardistes " du parti fasciste qui viennent en montagne pour un camp d'été, et puis cette grande entreprise dans laquelle on enrôle la population : la construction d'un ossuaire monumental pour les soldats morts en 1915-1918. Il est vrai que les chansons martiales des fascistes, les exercices stupides des " Balilla ", les hymnes à la gloire du " Duce ", tout cela glisse sur les montagnards qui savent y opposer leur scepticisme, et parfois leur franche résistance.

Mais rien n'y fait : la mise en condition qui s'opère n'est rien d'autre que l'annonce de la nouvelle guerre qui vient. Pour qui, comme Giacomo, atteint les vingt ans en 1939, la jeunesse et ses promesses de bonheur ne s'ouvrent que sur un déluge de fer, de feu et de sang. Beaucoup y laisseront leur vie, engloutis comme la génération précédente dans la folie de la guerre mondiale, la seconde en vingt ans...

Voilà un livre émouvant où, comme dans ses autres romans, Mario Rigoni-Stern sait nous faire partager la vie, les émotions et les drames de la population pauvre d'une région qu'il connaît bien.

André FRYS

Les saisons de Giacomo,de Mario Rigoni-Stern - Collection Pavillons, chez Robert Laffont. 221 pages, 129 F.

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