L'enseignement se dégrade Allègre... ment !10/09/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/09/une-1626.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

L'enseignement se dégrade Allègre... ment !

En ces jours de rentrée scolaire, les ministres concernés sont contents d'eux. A les entendre, tout va pour le mieux dans la meilleure des Éducations nationales : il y aurait globalement moins d'élèves pour le même nombre d'enseignants, les classes seraient moins chargées. Claude Allègre et Ségolène Royal se relayent à la télévision pour vanter des mesures comme l'aide individualisée aux élèves en difficultés ou la remise à niveau, et pour les présenter comme un pas important vers " l'égalité des chances " en matière d'éducation.

Ces gens-là n'ont aucune pudeur ! Comment oser parler " d'égalité des chances ", même sur le plan strictement scolaire ? Les discours sur le " nombre moyen d'élèves " par classe ne changent rien aux classes surchargées dans les écoles des quartiers populaires, là où justement il faudrait des classes à l'effectif réduit pour assurer un enseignement et pas du gardiennage ! Ils ne changent rien à l'inadaptation de ces véritables casernes surpeuplées que sont les collèges et les lycées de banlieue. Ils ne changent rien aux fermetures de classes dans les écoles de campagne, obligeant les élèves à se déplacer vers l'école d'une autre commune plus ou moins éloignée. Ils ne changent rien à l'insuffisance de matériel et au délabrement, souvent, des bâtiments eux-mêmes.

L'année passée a été marquée par des mouvements de protestation des enseignants des banlieues populaires revendiquant des moyens et du personnel supplémentaires. L'Education nationale manque cruellement de personnel et pas seulement d'enseignants, mais aussi de personnel technique, d'assistantes, d'infirmières. C'est un comble lorsqu'il y a tant de chômeurs ! Tous les ans, des milliers de jeunes diplômés, souvent ceux justement qui sont issus des milieux populaires, ne trouvent pas de place dans l'enseignement ou seulement une place de vacataire mal payé.

En embauchant le personnel nécessaire, l'Etat diminuerait le chômage en même temps qu'il se donnerait les moyens d'assurer une éducation digne de ce nom, même pour les enfants des couches sociales les plus défavorisées. Mais ce n'est pas le choix qu'il fait. Il préfère dépenser des centaines de milliards en subventions et aides au patronat. Rien que la deuxième loi Martine Aubry - cette loi qui donne des armes supplémentaires au patronat contre les travailleurs - coûtera 120 milliards de francs de plus à l'Etat ! " L'aide publique " sera offerte à tout patron qui daignera signer un accord sur les 35 heures sans même la moindre obligation de créer des emplois !

Voilà pourquoi il n'y a pas d'argent pour créer les emplois qui manquent dans l'Education nationale ; pas plus qu'il n'y en a pour en créer dans les hôpitaux, dans les transports, dans les services publics indispensables. Au lieu d'augmenter le nombre d'enseignants, le gouvernement réduit les programmes, c'est-à-dire offre un enseignement au rabais pour les enfants des classes populaires, pour la jeunesse ouvrière. Les enfants de riches, même ceux qui n'ont pas la capacité d'accéder aux meilleurs lycées, ont toujours la ressource des écoles privées ou des cours particuliers.

Et puis, il faut un sacré toupet aux ministres du gouvernement socialiste pour parler " d'égalité des chances ", lorsqu'il y a trois millions de chômeurs dans ce pays et lorsque deux autres millions, au bas mot, survivent avec un travail et un salaire précaires. Combien d'enfants de milieu populaire non seulement ne peuvent pas trouver chez eux un environnement leur permettant d'apprendre, mais ont du mal même à être nourris chaque jour convenablement ? Et la rentrée scolaire représente une charge financière difficile pour cette majorité de salariés qui gagnent à peine plus que le Smic.

L'école ne guérit pas les maux de la société, au mieux elle les reflète mais, dans la réalité, elle les accentue. Les discours mensongers des ministres ne réduisent pas l'inégalité criante entre les chances respectives d'un enfant de travailleur et un enfant des classes aisées. Ils ne sont destinés qu'à les dissimuler.

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