TVA : Un impôt qui saigne le malheureux10/09/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/09/une-1626.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

TVA : Un impôt qui saigne le malheureux

Dans le cadre de leurs discours de rentrée sur une prétendue baisse des impôts, Strauss-Kahn, Jospin et Gayssot se sont disputé la primeur pour annoncer la baisse de la TVA, à partir du 15 septembre, de 20,6 % à 5,5 % sur les travaux d'entretien des logements. Les ministres ont laissé croire que, pour une fois, le gouvernement prenait une mesure populaire.

En fait, cette baisse bénéficiera aux ménages dits aisés, voire aux bourgeois qui doivent pourvoir à l'entretien de leurs multiples demeures, celles qu'ils occupent à titre principal, les quelques pied-à-terre essaimés ça et là et les appartements de rapport qu'ils loueront d'autant plus cher que des travaux auront été effectués.

Ces dernières années, les factures de travaux dans les habitations donnaient droit à une déduction d'impôt sur le revenu. Cependant, il existait un plafond de dépenses au-delà duquel l'avantage cessait de jouer. Désormais, avec la baisse de la TVA, le rentier qui effectue pour un million de francs de travaux dans ses propriétés bénéficiera d'un cadeau fiscal non plafonné et qui pourra donc être cent fois plus important que pour le quidam qui aura déboursé 10 000 francs.

Pour le travailleur ou le chômeur qui, de toute façon, n'a pas grand-chose à dépenser dans l'entretien de son logement, la baisse de la TVA n'ira pas loin : peut-être un coût un peu moins élevé pour faire changer le chauffe-eau de sa cuisine. En tout cas, la diminution passe complètement sous le nez de tous ceux qui n'ont pas les moyens de s'adresser à une entreprise et qui refont ou bricolent eux-mêmes leur appartement.

Pire, les travailleurs devront continuer à payer au prix fort la TVA sur la majeure partie de ce qu'ils consomment. Excepté la plupart des produits d'alimentation et quelques services comme les transports qui bénéficient du taux réduit de 5,5 %, l'essentiel des dépenses est taxé à 20,6 %, y compris l'habillement et les produits d'hygiène. Un salarié payé au SMIC subit la taxe au taux le plus élevé pour les quatre cinquièmes de sa consommation et paye en moyenne un mois de salaire par an en TVA sur l'ensemble des produits qu'il achète. C'est ce qu'avait calculé le Syndicat national unifié des impôts (SNUI) en 1995 quand Juppé, alors Premier ministre, avait fait passer le taux dit normal de la TVA de 18,6 à 20,6 %.

Le Parti Socialiste, à l'époque, avait condamné une telle augmentation ; jusqu'aux élections législatives, son programme comportait aussi la création d'un taux "zéro" de TVA sur les produits de première nécessité. Parvenu au gouvernement, il y a deux ans, il a continué à ponctionner de la même manière que Juppé. Il en a même rajouté : l'augmentation de la taxe sur les produits pétroliers et de la CSG n'ont fait qu'aggraver l'injustice que représentent de tels impôts.

D'ailleurs, l'INSEE (Institut national de la statistique) a reconnu en 1997 que les prélèvements sur la consommation représentent 7 % pour les ménages les plus aisés, mais 13 % pour ceux qui ont de faibles revenus. Ainsi, même quand on gagne trop peu pour être imposable sur le revenu, cela n'empêche pas de se voir lourdement taxé sur sa consommation, au contraire. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que la TVA rapporte à l'Etat le double de l'impôt sur le revenu. Le simple maintien à 20,6 % au lieu de 18,6 % du taux de la TVA constitue un prélèvement supplémentaire d'une soixantaine de milliards chaque année, dont la plus grande partie est volée à ceux qui n'ont qu'un salaire, voire qu'une allocation ou un RMI à dépenser.

Pour faire diversion, il y avait déjà eu la baisse de la TVA sur les abonnements d'électricité (pas même la consommation) décidée l'année dernière. Celle des travaux sur l'habitat vient faire la paire : deux hochets à la disposition des ministres et des députés de la "gauche plurielle" qui s'amusent avec un rien quand il s'agit de justifier la politique gouvernementale. C'est se moquer du monde.

Partager