Voir : Kadosh, d'Amos Gitaï10/09/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/09/une-1626.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

Voir : Kadosh, d'Amos Gitaï

Avec Kadosh (" sacré " en hébreu), le réalisateur israélien Amos Gitaï décrit le milieu des " hommes en noir ", orthodoxes et autres " craignants dieu " de la religion juive, dans un de leurs plus anciens bastions en Israël, le quartier de Méa Shéarim à Jérusalem. Il le décrit comme aberrant, écrasant, sale, inutile.

En Israël, ce film a sans doute une résonance importante car ces religieux intégristes ont un grand rôle politique. Même minoritaires, ils exercent le maximum de pressions pour imposer leur loi à un pays qui ressemble déjà à une théocratie à bien des égards. Car c'est un Etat religieux qu'ont voulu et imposé, dans la continuité de leur nationalisme, les fondateurs d'Israël et leurs successeurs, quand bien même ceux-ci se disaient ou se disent encore laïcs. On l'a vu à nouveau cet été quand le Premier ministre travailliste Barak a, par deux fois, refusé d'affronter les partis religieux qui voulaient interdire de circulation un convoi exceptionnel durant le shabbat, nom religieux du samedi.

Le film ne remet pas en question la religion en tant que telle, même si c'est un pamphlet contre ses aspects les plus obscurantistes. Ceux qui l'ont fait, réalisateur et scénariste, semblent souhaiter une société israélienne débarrassée de ses aspects les plus médiévaux, en tout cas sur le terrain religieux.

Dès les premières images, on se trouve d'ailleurs en plein Moyen âge. Au saut du lit, un " homme en noir " se livre à un rituel ponctué de prières dont celle, traditionnelle, où l'homme remercie dieu de ne pas l'avoir fait femme. Et cela, à deux pas de sa propre épouse.

C'est par les yeux des femmes, en grande partie exclues, tenues en situation de mineures perpétuelles et, en règle générale, d'instruments de reproduction, que Gitaï fait voir l'étouffement des individus sous un dogme omniprésent qui régit chaque moment de la vie par une foule de prescriptions et d'interdits alimentaires, vestimentaires et sexuels.

Les premières victimes en sont, évidemment, les femmes. L'une d'elles, accusée de stérilité après dix ans de mariage, sera répudiée par son mari - qui en reste pourtant amoureux - car " celle qui ne donne pas de fils à son époux est une page déchirée de la Torah " et, précise le rabbin et père du mari, parce qu'elle ne contribue pas au combat pour submerger par la démographie les " impies " qui dirigeraient Israël.

Kadosh montre aussi en quoi les hommes de ce milieu peuvent en être victimes, même s'ils mènent une vie d'oisifs consacrée à l'étude de la " loi divine " alors que toutes les tâches matérielles, y compris celle de ramener un salaire au foyer, incombent aux femmes et à elles seules.

Certains personnages sont attachants, déchirés entre leurs sentiments vivants et leur soumission à un ordre qui, croient-ils, les dépasse. Mais ce film serait profondément désespérant si la soeur de l'épouse répudiée ne réussissait à s'en sortir. Non sans mal : mariée contre son gré à un religieux qu'elle connaît à peine et qui la viole le soir de ses noces, elle devra affronter les coups et rompre avec son milieu pour rejoindre celui qu'elle aime, un ancien " étudiant " d'une yéshiva (séminaire juif) qui, lui aussi, n'a trouvé de salut que dans la fuite hors de ce monde étouffant.

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