Agriculteurs : La colère des paysans03/09/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/09/une-1625.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Agriculteurs : La colère des paysans

Mardi 31 août, des centaines de personnes ont manifesté à Paris et à Montpellier pour exiger la libération de José Bové, qui passait ce jour-là devant le tribunal. Militant de la Confédération Paysanne, celui-ci est emprisonné depuis la mi-août pour avoir participé à une action contre le chantier d'un McDonald's à Millau. Comme si quelques poutres ou enseignes déplacées étaient un drame, alors qu'il est parfaitement légal de dérober aux agriculteurs le fruit de leur travail en les obligeant à vendre à perte, comme le font les centrales d'achat des Auchan, Leclerc ou Lidl !

Les manifestations du 31 août venaient à la suite de toute une semaine durant laquelle les paysans avaient continué à exprimer leur colère. Au fil des jours, des tonnes de fruits et de légumes ont été déversées devant des grandes surfaces, des McDonald's ou des perceptions. Les agriculteurs ont également occupé des péages d'autoroute et fait passer gratuitement les automobilistes, organisé des dégustations gratuites de produits locaux. Chacun a pu le voir, ils sont toujours aussi déterminés.

Plusieurs semaines après le début du mouvement, le gouvernement ne veut toujours rien entendre des revendications des agriculteurs. Son ministre de l'Agriculture Jean Glavany s'est borné à dire qu'il faut attendre que le double affichage, auquel plus personne ne fait attention, produise ses effets, et a annoncé qu'il allait demander aux banques d'être tolérantes pour les échéances de fin août. Comme si c'était uniquement pour voir les dettes dont ils sont couverts légèrement différées que les agriculteurs étaient descendus dans la rue !

Ce qu'ils réclament est simple, et connu depuis le début : c'est de pouvoir vendre les produits qu'ils ont cultivés à un prix leur permettant de vivre décemment. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, essentiellement parce que les centrales d'achat des grandes surfaces, qui leur achètent leur production, profitent de leur situation de quasi-monopole pour faire baisser les cours. Six de ces centrales, fournissant presque toutes les enseignes connues du public, se partagent actuellement 93 % des parts de marché, et il n'y en aura sans doute bientôt plus que cinq après la fusion des groupes Carrefour et Promodès. Ces centrales font la pluie et le beau temps sur les cours et, au bout du compte, le paysan doit vendre à perte. C'est le cas de façon dramatique pour les petits cultivateurs de fruits et légumes, mais ça l'est aussi dans bien d'autres secteurs.

Cette semaine, par exemple, les producteurs de lait étaient aussi dans l'action. Ils protestent contre la baisse de 5 centimes par litre du prix d'achat que leur ont imposé depuis le début juillet les sociétés qui collectent et transforment leur lait. Mais ces sociétés répercutent elles-mêmes la pression des centrales d'achat qui peuvent tout se permettre, puisque 90 % du lait et de ses dérivés sont vendus en grandes surfaces. Et, soit dit en passant, dans ce secteur le gouvernement ne peut même pas parler de surproduction, comme il ose le faire pour les fruits et légumes, puisqu'il y a des quotas par éleveur. La seule surproduction, dans les deux secteurs, c'est celle des profits des trusts agro-alimentaires.

Aujourd'hui, les agriculteurs se battent contre ces grandes sociétés pour, simplement, pouvoir jouir du fruit de leur travail. C'est d'ailleurs le cas dans tous les pays du monde, USA compris, et c'est pourquoi le sentiment " antiaméricain " exprimé parfois dans ces manifestations n'est pas justifié. Les véritables ennemis des agriculteurs, ce sont les trusts qui d'un côté leur vendent semences, engrais et matériel agricole, et qui, de l'autre, transforment et commercialisent leurs produits. Sans oublier les banques qui poussent les agriculteurs à s'endetter pour s'équiper. Mais en puisant dans les immenses profits des Auchan, Carrefour et autres, il serait largement possible de leur assurer les prix d'achat qu'ils réclament, sans pour autant que le consommateur ait à payer plus cher.

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