Pêche interdite : le dauphin qui cache l’océan24/01/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/01/2895.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pêche interdite : le dauphin qui cache l’océan

Du 22 janvier au 20 février, les bateaux de pêche de plus de huit mètres ont interdiction de travailler entre le Pays basque et la pointe de la Bretagne. Cette mesure vise à protéger, un mois durant, les populations de dauphins du golfe de Gascogne.

En effet, depuis une trentaine d’années, les riverains ont constaté un nombre croissant d’échouages de cétacés sur les plages atlantiques. Le phénomène s’est rapidement accéléré ces dernières années et on trouve désormais chaque hiver autour de 1 500 dauphins échoués. Il ne fait aucun doute qu’ils sont morts pris dans les filets des bateaux de pêche et les scientifiques estiment que des milliers d’autres ont tout simplement coulé, dans les mêmes circonstances. Une telle hécatombe menacerait à terme la survie de l’espèce, d’où la mesure de suspension de la pêche.

Le gouvernement a promis aux patrons des 450 navires concernés une indemnité équivalant à 80 % de leur chiffre d’affaires pour cette période. Il a également autorisé les mareyeurs à mettre leurs salariés en chômage partiel et parle d’une indemnité spécifique pour ces entreprises. Les ministres espèrent manifestement que cela suffira à empêcher les patrons de la filière, armateurs, pêcheurs, mareyeurs, poissonniers, transformateurs, transporteurs, etc., de descendre dans la rue. En revanche, nul ne sait exactement comment seront traités les salariés.

Qu’en sera-t-il du salaire des matelots, qui touchent une part sur la pêche ? Comment seront indemnisés les travailleurs précaires, à terre ou en mer ? Combien toucheront les ouvriers en chômage ? Que deviendront ceux des entreprises acculées à la faillite ? D’autre part, les industriels transformateurs, les commerçants et les grandes surfaces qui utilisent ou commercialisent le poisson devront se fournir ailleurs. Il n’y a évidemment aucune garantie ni aucune obligation à ce qu’ils s’approvisionnent de façon plus écologique et plus respectueuse des espèces vivantes, des dauphins comme des autres.

De plus, et surtout, l’interruption d’un mois ne résoudra pas un problème qui vient de bien plus loin et pose la question plus générale de la surpêche. Il y a en effet de moins en moins de poissons dans les océans, du fait de la pêche industrielle, indistincte et sans contrôle, qui sévit avec des techniques toujours plus destructrices. Les dauphins cherchent donc leur nourriture dans des zones de plus en plus restreintes, le golfe de Gascogne par exemple, où travaillent aussi des navires côtiers, de taille moyenne mais équipés de filets de plus en plus vastes. C’est donc très probablement parce que pêcheurs et dauphins sont en concurrence pour les poissons que les premiers tuent, certes malgré eux, les seconds. L’industrialisation sans contrôle du métier détruit et détruira à la fois le poisson, les dauphins et la petite pêche, jusqu’à ce que l’océan, laissé aux mains du capital, devienne un égout sans vie.

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