Hongrie : le groupe Continental à l’offensive24/01/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/01/2895.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Hongrie : le groupe Continental à l’offensive

Lundi 15 décembre, Gabor Radics, responsable syndical basé à l’usine de Continental Szeged en Hongrie, se voyait notifier son licenciement immédiat « pour avoir porté préjudice à la réputation du groupe Continental » en dénonçant la politique de l’entreprise.

Gabor Radics, outre son poste de secrétaire du syndicat de Szeged, est président de la fédération de l’industrie du caoutchouc de Continental, GSZSZ, qui regroupe cinq syndicats à travers la Hongrie. Fin décembre, ce licenciement avait été précédé par une plainte devant la justice pour le même motif « d’atteinte à la réputation de Continental ». Cette poursuite judiciaire touchait également le secrétaire du syndicat de l’usine Continental de Mako et la fédération syndicale elle-même, auxquels il était réclamé deux millions de forints chacun (soit 16 000 euros au total). Sur tout cela, Continental exigeait le secret au nom du « secret des affaires ». La direction centrale du groupe à Hanovre, en Allemagne, était à la manœuvre. Le PDG de ce groupe mondial, Nikolaï Setzer, agissait au nom de l’actionnaire majoritaire, la famille Schaeffler, classée il n’y a pas si longtemps la plus riche d’Allemagne.

Continental agit ainsi pour tenter de réduire au silence la contestation ouvrière venue de Hongrie, et en particulier de l’usine de Mako. Déjà, en 2021, un premier arrêt de travail avait eu lieu, pour protester contre les conditions de travail imposées aux 1 700 travailleurs de l’usine. Puis, en février 2022, en réponse à la volonté de la direction de remettre en question le contrat collectif qui régissait les droits des salariés, une grève avait éclaté. Cette réaction unanime des travailleurs avait amené la direction à reculer. Mais, dès octobre, la direction de l’usine commençait une politique d’intimidation contre les travailleurs, accusant, dans ses courriers internes, les syndicalistes d’être « sous influence révolutionnaire ».

La direction internationale du groupe ne voulant pas que puisse se maintenir un foyer de contestation en Hongrie, une centaine de travailleurs de l’usine de Mako, parmi les plus combatifs, furent mis dehors les mois suivants et remplacés par 200 travailleurs amenés d’Indonésie. Cette politique provocatrice ne réussit pas à semer dans l’usine la division escomptée, pas plus que les tentatives de la garder secrète au sein de Continental. Finalement, quand une chaîne de télévision s’empara de l’affaire fin 2023, elle devint un scandale public en Hongrie, au point d’obliger le gouvernement à convoquer Continental pour lui demander des explications.

Aujourd’hui, la réaction de la direction du groupe Continental est brutale et fait partie d’une offensive générale. Il regroupait, encore il y a peu, 250 000 salariés dans le monde. Il veut faire progresser à tout prix son taux de rentabilité et, par là, le cours de ses actions. Ainsi, le 5 décembre, le groupe a rendu publique sa stratégie. Il a annoncé des milliers de licenciements supplémentaires, mais aussi et surtout sa volonté de se séparer de tous les secteurs qui ne réaliseraient pas au moins 11 % de taux de rentabilité, soit bien plus que la majorité de ses concurrents et clients. L’annonce a été saluée par le géant financier JP Morgan, qui a conseillé d’acheter les actions Continental, car « leur cours boursier va monter grâce aux réorganisations annoncées ».

Des dizaines de milliers d’emplois sont donc sur la sellette. L’usine de Glandys, en Roumanie, est menacée, avec ses 3 000 salariés. En Allemagne, l’usine de pneumatiques d’Aix-La-Chapelle a déjà été fermée, avec ses 1 800 travailleurs, et d’autres sont visées. En France, une centaine d’emplois sur 300 sont menacés dans le petit centre de Rambouillet. Les 1 600 travailleurs de l’usine de Sarreguemines se sont vu voler 4 000 euros de primes annuelles. Le groupe, qui se souvient de la réaction des travailleurs de l’usine de Clairoix, dans l’Oise, contre sa fermeture, n’en reste pas moins prudent, comme le montre sa politique à Toulouse, où il possédait une usine de 3 000 salariés. Une fois celle-ci coupée en deux, 1 500 salariés se sont retrouvés dans une division appelée Vitesco, qui a été mise en vente peu après, puis, tout à fait bizarrement, rachetée par le groupe Schaeffler, dont les patrons sont aussi ceux de Continental… Dans le cadre d’une concurrence exacerbée et d’incertitudes pour l’avenir, le groupe Continental fait la course aux profits, à la rentabilité et la guerre aux travailleurs. Sa seule crainte, ce sont leurs réactions. Ils sont des dizaines de milliers dans tout le groupe et ont les mêmes intérêts.

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