Chine : de la crise immobilière à la crise financière10/01/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/01/2893.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Chine : de la crise immobilière à la crise financière

Vendredi 5 janvier, Zhongzhi, le plus grand fonds privé chinois, a été mis en faillite après qu’un tribunal de Pékin a établi qu’il « n’avait évidemment pas la capacité de rembourser ses dettes ».

Zhongzhi est l’un des principaux gestionnaires de patrimoine chinois, ces fonds à qui les riches et les entreprises confient leur fortune pour qu’ils la fassent fructifier. Ils font partie de la finance dite de l’ombre, celle qui intervient dans l’économie sans appartenir aux circuits bancaires traditionnels. Leur importance s’est considérablement développée en Chine avec la spéculation immobilière des années 2010, dans laquelle ils ont massivement investi l’argent de leurs clients. Mais, depuis 2021, la crise immobilière ne cesse de s’étendre, alors que jusqu’à cette date les promoteurs et les gouvernements locaux qui investissaient dans l’immobilier via ces fonds finançaient les anciens projets avec l’argent des nouveaux.

Tout cela a fonctionné tant que le marché était en expansion et que les prix montaient. Mais avec la pandémie et le resserrement de la législation face à la peur d’un éclatement de la bulle spéculative immobilière, le marché s’est retourné. Les plus grands des promoteurs immobiliers ont plongé et nombre de chantiers sont arrêtés, laissant en plan bien des Chinois qui avaient investi leurs économies dans l’acquisition d’un appartement et condamnant au chômage des millions de travailleurs. 60 % des chantiers lancés depuis 2013 n’ont pas été livrés et les lancements de nouveaux chantiers ont été divisés par plus de deux.

La faillite de Zhongzhi montre que la crise immobilière se propage à la finance. Dès juillet, une de ses filiales, à court d’argent, a été incapable de payer ce qu’elle devait à ses clients. Fin novembre, la maison mère Zhongzhi, qui gère l’équivalent de 128 milliards d’euros de patrimoine, s’est déclarée « gravement insolvable » en raison de 60 milliards de dettes. Vendredi 5 janvier, elle a déclaré qu’elle n’avait « manifestement » pas la capacité de rembourser ces dettes, promettant de sérieuses pertes à ses clients et provoquant selon les mots du journal Les Échos « l’une des plus grandes faillites de l’histoire » de la Chine.

La crise de liquidités chez Zhongzhi existait en fait depuis plusieurs années mais, suivant les mêmes pratiques que les promoteurs immobiliers, ses filiales avaient pu la couvrir en utilisant l’argent des nouveaux clients pour payer les remboursements dus aux anciens. Mais le ralentissement de l’économie chinoise et le plongeon de l’immobilier rendent de telles manipulations financières de plus en plus difficiles.

Comme régulièrement dès qu’une entreprise chute et qu’un scandale menace d’éclater, l’État chinois a ouvert une enquête criminelle sur l’activité de Zhongzhi et a pris des mesures coercitives contre ses dirigeants. Il intervient aussi sur le terrain financier, via ses nombreuses entreprises et banques d’État. Elles forment l’ossature de l’économie chinoise et se chargent d’éponger pour le compte des capitalistes locaux et étrangers les dégâts de l’économie de marché, en y injectant des milliards. Jusqu’à quand arriveront-elles à éviter la complète déroute ? La dette chinoise qui enfle montre que leurs possibilités ne sont pas infinies.

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