Anticor : le pouvoir juge et partie03/01/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/01/2892.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Anticor : le pouvoir juge et partie

Le gouvernement a décidé de ne pas renouveler l’agrément de l’association Anticor, limitant ainsi ses possibilités de porter des affaires de corruption devant les tribunaux.

Cet agrément autorise l’association à saisir la justice et à imposer que des enquêtes aient lieu dans des affaires de corruption. Il lui permet aussi d’avoir accès aux dossiers. Cet agrément avait été mis en place en 2013 par Hollande, le président socialiste de l’époque, suite au scandale de fraude fiscale du ministre du ­Budget Cahuzac. Jusque-là, seuls les procureurs de la République pouvaient se constituer partie civile pour des affaires de corruption et, comme ils dépendent du pouvoir exécutif, ils le faisaient très rarement. Mais Hollande ne prenait pas trop de risques car seul le gouvernement peut accorder cet agrément, et en plus pour une durée de trois ans. En ce moment, seules trois associations l’ont obtenu…

Au fil des années, Anti­cor a pu mettre en cause des politiciens de différents bords grâce à cet agrément, notamment le ministre de la Justice ­Dupond-Moretti, le secrétaire général de l’Élysée Kohler et la Première ministre Borne. « Ce n’est donc pas une surprise », comme l’a déclaré la présidente d’Anticor, si Macron n’a pas renouvelé l’agrément. D’après cette même présidente, le niveau de corruption est d’ailleurs actuellement colossal : « Rien qu’en France, il a été évalué à 120 milliards d’euros par an. »

La plupart de ces affaires ont pour origine les liens fusionnels entre l’État et les grands groupes capitalistes. Par exemple, Kohler est accusé d’avoir servi les intérêts du trust de transport maritime MSC, alors qu’il représentait l’État au conseil de surveillance du port du Havre et au conseil d’administration des Chantiers navals de Saint-Nazaire, deux entreprises pour lesquelles MSC est un important client. Ce ne serait vraiment pas étonnant : Kohler est de la famille des propriétaires de MSC et il a même été le directeur financier de cette entreprise.

Borne est quant à elle accusée d’avoir favorisé les compagnies autoroutières quand, en tant que chef de cabinet du ministère de l’Écologie, elle a mené les négociations concernant les conditions du prolongement de leurs concessions en 2015. Ce ne serait pas surprenant non plus : elle a été directrice générale des concessions en 2007 et 2008 d’une de ces compagnies, Eiffage.

Ces affaires émaillent l’histoire du capitalisme depuis ses débuts. Mais elles se sont amplifiées avec le temps car les profits des grands groupes capitalistes dépendent de plus en plus du soutien de l’État et des marchés publics. Ce qu’on appelle la corruption n’est que la partie considérée comme illégale des liens financiers entre l’État, son personnel et ces groupes.

Ce n’est pas juste un kyste bénin de la société, c’est son cancer généralisé, contre lequel le seul anticorps ou remède efficace serait de renverser le capitalisme lui-même.

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