Liban : le Hezbollah du côté de l’ordre social27/12/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/12/2891.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Liban : le Hezbollah du côté de l’ordre social

Le 8 octobre, en soutien au Hamas, le Hezbollah déclenchait depuis le Sud-Liban des tirs de roquettes contre Israël. Pour conserver son image d’organisation combattante, ce parti islamiste chiite ne pouvait rester à l’écart du conflit alors qu’il dit faire une priorité de la résistance à Israël. Cependant, ni lui ni son parrain iranien ne semblent vouloir une escalade avec Israël et les États-Unis.

C’est en 1982 que le Hezbollah (Le parti de Dieu) fit irruption sur la scène politique libanaise en réaction à l’occupation du sud du pays par Israël. Ravagé par une guerre civile, le Liban était devenu l’arène dans laquelle les puissances de la région s’affrontaient, soutenant chacune diverses milices constituées sur des bases confessionnelles.

Le Hezbollah, issu du Mouvement des déshérités, bénéficia de l’aide financière et militaire de l’Iran, auréolé du prestige de la révolution qui avait porté au pouvoir les ayatollahs, et chassé un régime inféodé aux États-Unis. Il élargit sa base sociale en organisant autour des mosquées des réseaux d’assistance aux plus démunis et usa de démagogie sociale pour s’imposer comme le représentant exclusif des déshérités libanais, assimilés à la fraction chiite de la population. Mais s’il prétendait aider les plus pauvres, il attendait d’eux qu’ils restent soumis à l’ordre bourgeois qu’il défendait, n’hésitant pas à réprimer toute contestation.

C’est ainsi que, en 1997, une révolte de la population pauvre de la région de la Bekaa fut réprimée par l’armée libanaise avec le soutien militaire du Hezbollah. En 2004, lorsque des travailleurs mobilisés à l’appel du syndicat CGTL subirent une répression de l’armée qui fit quatre morts, le Hezbollah la justifia en invoquant une ligne rouge à ne pas dépasser. Férocement opposé à la lutte de classe, le Hezbollah combattit aussi violemment ses rivaux, en particulier les organisations de gauche qui avaient une certaine influence parmi les travailleurs. Ainsi en 1987, le cheikh Nasrallah, qui le dirige encore aujourd’hui, fit assassiner une trentaine de cadres du Parti communiste, notamment Mehdi Amel et Hussein Mroué.

Au fil du temps, grâce à ses milices, armées et entraînées par les gardiens de la révolution iraniens, ce parti intégriste a gagné une réputation de combattant. Il a vu le Parti communiste libanais se rallier à lui au nom du caractère anti-­impérialiste de la lutte du Hezbollah contre Israël, malgré son caractère réactionnaire et les attaques subies de sa part.

En 2006, lors de la cinquième guerre d’Israël au Liban, lorsque l’aviation israélienne détruisit les infrastructures, rasa une partie des villes du sud du Liban et de la banlieue de Beyrouth, les miliciens du Hezbollah combattirent avec acharnement. Les troupes israéliennes entrées au Liban durent faire demi-tour après un mois de combat. Alors que l’armée libanaise s’en montrait incapable, le fait que le Hezbollah put tenir en échec Israël accrut encore sa popularité. Par ses discours antioccidentaux et son soutien au Hamas, il s’affirmait comme un des piliers de la résistance à Israël et un champion de la cause palestinienne.

Depuis, sa puissance militaire s’est accrue et son poids politique s’est renforcé au sein du Parlement, du gouvernement, et de toute la société libanaise. Il en appelle à l’unité nationale pour défendre les intérêts des possédants libanais contre leurs rivaux, mais aussi en fait contre les classes exploitées du Liban. Ainsi, lorsqu’en 2019 on vit la population se soulever contre le gouvernement et sa corruption, le Hezbollah envoya à plusieurs reprises ses hommes affronter les protestataires à Beyrouth et dans les régions du sud.

Malgré leur aura d’organisations combattantes, le Hezbollah tout comme le Hamas ne sont pas les représentants des masses pauvres, ni au Liban ni en Cisjordanie ni à Gaza. Dans le combat pour leur émancipation, les classes exploitées du Liban et de tout le Moyen-Orient auront à forger leurs propres organisations, communistes, prolétariennes et révolutionnaires. Elles trouveront sur leur chemin bien des ennemis, y compris des organisations bourgeoises réactionnaires comme le Hezbollah ou le Hamas.

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