Niger : les sanctions ne frappent que la population20/12/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/12/2890.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Niger : les sanctions ne frappent que la population

Depuis maintenant quatre mois, le Niger subit les sanctions économiques imposées à la suite du coup d’État du 26 juillet par l’organisation régionale des États d’Afrique de l’Ouest, la Cédéao.

Si elles n’ont aucunement fait plier la junte au pouvoir, les sanctions ont par contre considérablement aggravé les conditions d’existence d’une population qui était déjà parmi les plus pauvres du monde.

À l’origine, les chefs d’État de la Cédéao et derrière eux les puissances impérialistes exigeaient la libération du président déchu Mohamed Bazoum et son retour à la tête de l’État. Ils menaçaient la junte au pouvoir et son chef, le général Tiani, d’une intervention armée. Au fil des mois, cette option militaire a été de plus en plus reléguée à l’arrière-plan, le président du Nigeria, dont l’armée aurait fourni l’essentiel des troupes, ayant réalisé qu’une telle aventure était grosse de menaces pour la stabilité de son propre pays.

Mais les sanctions économiques demeurent et viennent encore une fois d’être confirmées. Elles consistent pour l’essentiel en fermeture des frontières, en particulier avec le Nigeria, dont les habitants avaient coutume de commercer avec ceux du Niger, et avec le Bénin, qui fournissait le débouché maritime.

Non seulement cette attitude intransigeante n’a pas fait reculer Tiani, mais elle a même incité la junte à prendre de plus en plus de distances avec la Cédéao, la France et les autres puissances impérialistes. Les derniers soldats français devraient quitter le pays fin décembre 2023. La junte a dénoncé les accords honteux avec l’Union européenne, qui laissaient au Niger le soin d’intercepter les migrants en route vers la Méditerranée, et le pays a même constitué une alliance avec le Mali et le Burkina Faso, d’où les troupes françaises ont été également chassées. Cette Alliance des États du Sahel se pose désormais en rivale de la Cédéao. Pour couronner le tout, les dirigeants nigériens ont reçu en grande pompe le vice-ministre russe de la Défense et signé avec lui un protocole. Il pourrait être suivi de l’arrivée mercenaires russes de l’Africa Corps, le nouveau nom de la milice Wagner, ce qui posera un problème aux dirigeants américains dont les soldats sont encore positionnés au Niger.

Mais si les nouveaux dirigeants du pays, par ailleurs tout aussi antiouvriers et corrompus que les précédents, peuvent se targuer d’avoir résisté à toutes les pressions, la population, elle, est étranglée par les sanctions, qui durent. Les prix flambent, réduisant au minimum la ration alimentaire de chaque habitant. Le litre d’huile, qui était à 800 francs CFA (1,2 euro) est passé à 1 400. Le sac de riz de 50 kilos a bondi de 11 000 à 20 000 francs CFA. La pénurie s’installe dans de nombreux foyers et il est souvent impossible de trouver de la farine pour faire du pain. La frontière avec le Nigeria n’est pas totalement étanche, mais il faut payer les trafiquants ou l’armée pour faire passer les marchandises. Quant aux denrées que le gouvernement tente de faire venir du Burkina allié, elles doivent être protégées par des convois militaires, ce qui les renchérit d’autant.

Le budget de l’État nigérien était alimenté à 40 % par l’aide internationale, aujourd’hui suspendue. Les travailleurs des services publics, le principal employeur du pays, ne sont donc pour beaucoup plus payés depuis juillet. D’autre part, la monnaie du pays, le franc CFA, est fournie par la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dont le siège est à Dakar, au Sénégal. Elle n’arrive plus au Niger et les habitants manquent de liquidités. Ils font d’interminables queues aux distributeurs ou aux guichets de banque, où les retraits sont d’ailleurs limités.

Dans le domaine de la santé, la situation est tout aussi grave. Une vingtaine d’organisations internationales, dont Médecins du monde, ont demandé à la Cédéao la réouverture immédiate de la frontière avec le Bénin, à titre d’exception humanitaire pour faciliter l’entrée de l’aide.

Ces organisations estiment que, entre octobre et décembre, 15 % de la population a été contrainte à déménager faute d’accès à la nourriture ou à l’assistance. Le Niger doit faire face à une épidémie de diphtérie qui a tué 200 enfants depuis juillet, sur les 3 000 cas recensés, et les sanctions entravent la campagne de vaccination en cours.

Chassée du Niger, qu’elle a pillé pendant des décennies, la France, par l’intermédiaire de ses obligés de la Cédéao, fait payer au prix fort à la population de ce pays la volonté de ses dirigeants de ne plus rester dans le giron de l’ancien colonisateur.

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