Argentine : nouveau président, vieilles recettes20/12/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/12/2890.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Argentine : nouveau président, vieilles recettes

À la mi-novembre, le futur président argentin, Javier Milei, qui avait promis, tronçonneuse à la main, de découper la caste politique et le poids de l’État dans l’économie, est allé s’afficher à Washington.

Milei veut montrer qu’il est dans le camp des États-Unis, d’Israël et de l’Occident en promettant que l’Argentine ne rejoindra pas les Brics. Lors de son investiture, le 10 décembre, il n’a pas fait sa déclaration devant les parlementaires, comme c’est la coutume, mais en tournant le dos au parlement et en annonçant à ses soutiens… un « choc brutal » d’austérité. Mais s’il a tourné le dos à ce siège de la « caste politique » honnie, il n’a pas eu d’autre choix que d’y puiser quelques chevaux de retour pour former un gouvernement.

On y retrouve Patricia Bullrich, à qui Milei doit son élection grâce à ses voix de candidate de droite. Elle avait fait ses premières armes dans le gouvernement du radical De la Rua (1999-2001), fracassé dans le krach de décembre 2001, et y était ministre du travail quand le chômage explosait. Présente dans le gouvernement de droite de Macri (2015-2019) chargée de la Sécurité, elle s’est aussi illustrée dans la répression contre les classes populaires et reprend le même poste avec Milei. Anticipant les réactions, ces ministres annoncent qu’ils s’opposeront aux manifestations et aux blocages de routes, traditionnels en Argentine, et que les organisateurs seront poursuivis.

Pour le ministère de l’Économie, Milei a recruté Luis Caputo, ex-trader des banques Morgan et Deutsche Bank, déjà à ce poste sous Macri. On lui doit l’endettement géant contracté auprès du FMI et les mesures d’austérité qui l’ont accompagné. Pour l’épauler, un de ses pairs, Santiago Basili, va diriger la Banque centrale, qui ne disparaît pas, contrairement aux promesses de Milei. De même, ce qu’il appelait l’« excrément », le peso, n’est pas remplacé par le dollar. En revanche, sa valeur est dévaluée de 50 %, ce qui ne peut que faire redoubler une inflation déjà forte.

Caputo annonce une cure d’austérité qui pourrait durer deux ans et peut-être plus. Les subventions à l’énergie et aux transports devraient être supprimées, ce qui ferait exploser les tarifs d’électricité, de gaz, d’eau, des trains, bus, et métros. Il est question aussi de privatiser tout ce qui peut encore l’être, avec des licenciements prévisibles.

Outre les politiciens, Milei recycle donc les vieilles recettes ultralibérales qui étaient déjà celles des militaires pendant la dictature (1976-1983) et du gouvernement Menem, (1989-1999) qui ont conduit au krach de 2001 et qui pourraient avoir les mêmes effets.

Le nombre de ministères ayant été réduit de 15 à 8, ceux de la Santé, de l’Éducation, du Travail et de l’Énergie, entre autres, sont devenus de simples secrétariats d’État, et des postes de fonctionnaires sont menacés. Le syndicat des travailleurs de l’État estime que près de 100 000 postes pourraient disparaître.

Une partie de ces annonces doivent encore être entérinées par le parlement, où Milei n’a aucune majorité. On mesurera bientôt le degré d’opportunisme des parlementaires. Les centrales syndicales, plutôt proches de l’opposition péroniste, disent préparer une réponse unitaire face aux attaques annoncées.

Milei a aussi choisi une vice-présidente, Victoria Villaruel, connue pour sa complicité avec les militaires qui, pendant la dictature, ont assassiné quelque 30 000 opposants, dont un tiers d’ouvriers. Les organisations humanitaires qui n’ont eu de cesse que ces tortionnaires soient poursuivis craignent que les procès en cours puissent être interrompus. Tout cela ne devrait pas passer sans réactions.

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