Union européenne et Ukraine : du blé et de la démagogie21/09/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/09/2877.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Union européenne et Ukraine : du blé et de la démagogie

L’Union européenne (UE) vient de décider de lever les restrictions qu’elle imposait aux exportations agricoles ukrainiennes. Une mesure qu’ont aussitôt refusé d’appliquer la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie.

Au printemps dernier, ces pays, ainsi que la Bulgarie et la Roumanie, avaient obtenu de l’UE qu’elle ne laisse plus l’Ukraine exporter sa production céréalière par voie terrestre, alors que la Russie bloquait ses ports de la mer Noire. En effet, selon les gouvernants est-européens, l’arrivée des céréales ukrainiennes avait des conséquences désastreuses sur leur agriculture et leurs agriculteurs.

En autorisant le transit du blé ukrainien, l’UE disait éviter à l’Ukraine d’être étranglée par le blocus russe. Il s’agissait aussi, ajoutait la propagande, d’éviter la famine aux populations d’Afrique et d’Asie qui dépendent des importations de blé ukrainien. Comme si cela avait jamais été un souci des États impérialistes, dont toute la politique concourt au contraire à affamer une bonne partie de l’humanité !

Sans surprise, l’Afrique et l’Asie n’ont donc guère vu la couleur du blé ukrainien. En revanche, il a inondé l’Europe centrale et balkanique. En effet, en raison des salaires dérisoires des ouvriers agricoles en Ukraine, ce blé affichait un prix si bas que, les productions hongroises, slovaques ou bulgares ne trouvant plus preneur, les paysans locaux risquaient de se retrouver sur la paille.

Au printemps dernier, un arrangement temporaire avait été trouvé entre l’UE, ces pays d’Europe de l’Est et l’Ukraine. Cela gagnait du temps, mais sans rien changer sur le fond. Car, pour les États qui dominent l’UE, l’Allemagne et la France, il ne pouvait être question de léser les intérêts de ceux qui détiennent une grande partie des terres si fertiles d’Ukraine, les fameuses terres noires. Concrètement, il s’agit d’oligarques protégés par le régime de Zelensky, ainsi que de sociétés agro-alimentaires et financières américaines ou ouest-européennes. Certaines de ces dernières ont d’ailleurs profité de la guerre, car les prêts et livraisons d’armes à Kiev comportaient parfois des clauses non publiques leur offrant une priorité pour louer ou acheter de vastes exploitations dans le pays.

L’UE invoque le marché unique pour condamner l’attitude de Varsovie, Budapest et Bratislava. Cela fait partie du fonctionnement de cette Union à 27 où ce sont les plus forts, l’Allemagne et la France, qui choisissent la musique. Mais cela n’évite pas toujours les couacs dans l’orchestre. D’autant moins que, en Pologne et en Hongrie, des élections vont avoir lieu sous peu. Dans les deux cas, la droite nationaliste au pouvoir entend se présenter en championne des intérêts de « ses » petits paysans, de « son » pays face à l’étranger.

Bien sûr, cela fait que le gouvernement polonais, qui se veut le meilleur soutien de l’Ukraine dans la guerre et dans sa volonté d’intégrer l’OTAN et l’UE, se montre aussi intraitable face aux importations ukrainiennes. Si contradictions il y a, ce sont celles que comporte toute démagogie nationaliste.

La situation au sein de l’Union européenne, exacerbée par la guerre et la crise mondiale, montre au grand jour ses contradictions. Chaque État défend d’abord, y compris donc contre tous les autres, les intérêts de sa propre bourgeoisie.

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