Libye : tempête naturelle, catastrophe criminelle21/09/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/09/2877.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Libye : tempête naturelle, catastrophe criminelle

La tempête Daniel a provoqué une tragédie en atteignant les côtes du nord-est de la Libye samedi 10 septembre. Deux barrages qui protégeaient la ville côtière de Derna ont été emportés, provoquant un tsunami d’eau et de boue. Le bilan humain ne peut toutefois pas être considéré comme la conséquence fatale d’une calamité naturelle, aussi violente soit-elle.

Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires estimait samedi 16 septembre à 11 300 le nombre de morts à Derna, et le nombre de disparus à 10 000. Quelque 30 000 personnes ont fui les rues dévastées et des épidémies sont désormais redoutées en raison de l’eau souillée. En fait, le bilan réel ne sera probablement jamais connu car personne ne se préoccupe de recenser la population en Libye.

La violence de la tempête Daniel, qui avait d’abord balayé le sud des Balkans en provoquant des inondations et des dizaines de morts, est sans doute une conséquence du réchauffement climatique. De tels épisodes sont annoncés comme plus violents et destructeurs par les météorologues, qui n’ont pas été pris de court. Mais rien n’est organisé pour protéger les populations ou même seulement les avertir, en particulier dans les pays pauvres. Pire encore, à Derna, ville de 100 000 habitants avant la catastrophe, les deux barrages, lézardés depuis 1998, n’étaient plus entretenus malgré 2 milliards de dollars de fonds attribués en 2012-2013. En 2022, un ingénieur et universitaire avait alerté sur leur rupture possible, en vain.

Comme au Maroc frappé par un séisme dans les mêmes jours, l’incurie, la corruption et la misère expliquent l’ampleur du désastre. Mais ces tares ont été aggravées depuis 2011 après que, sous mandat de l’ONU et sous commandement de l’OTAN, une coalition occidentale a bombardé la Libye pour contribuer à la chute du dictateur Kadhafi dans le contexte des Printemps arabe. En fait de démocratie que prétendaient apporter la France et la Grande-Bretagne grâce à leur puissance de feu, le pays et l’appareil d’État se sont morcelés et les populations ont été livrées à la guerre et à la dictature des milices. Aujourd’hui deux gouvernements se disputent le contrôle du pays, ce qui n’empêche pas les groupes armés et les gangs de continuer à prospérer. Aucune autorité ne se préoccupe plus de l’état des édifices publics et les subsides venus de l’Union européenne ne servent qu’à transformer les bandes armées officielles ou officieuses en mercenaires et en geôliers contre les migrants candidats à la traversée de la Méditerranée.

Depuis 2011, les puissances impérialistes ont continué de s’impliquer en Libye, comme s’y sont impliquées la Turquie et toutes les puissances régionales du monde arabe, pour appuyer un clan contre l’autre et espérer en tirer bénéfice quand l’exploitation du pétrole pourra reprendre à plein rendement.

À ce titre, le gouvernement français, si fier d’avoir envoyé 21 tonnes de matériel médical et un hôpital de campagne par cargo militaire, fait preuve d’un cynisme à toute épreuve car il est de notoriété publique que, tout en reconnaissant le gouvernement de Tripoli, il soutient en sous-main son rival, dirigé par le maréchal Haftar – homme fort de la région frappée par les inondations – et participe à l’état de guerre civile chronique du pays. Macron marche dans les pas de Sarkozy qui, en 2011, avait été partisan d’une intervention militaire pour le compte de l’impérialisme français.

Les grands rapaces et les vautours qui se sont abattus sur la Libye depuis 2011 et ont contribué au chaos général expédient désormais leur petit bataillon humanitaire dans la zone sinistrée. Mais ils sont largement responsables du drame qui afflige la population libyenne.

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