Crèches : alertez les bébés !13/09/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/09/2876.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Crèches : alertez les bébés !

Deux livres sur la privatisation des crèches viennent de mettre en lumière la dégradation continue des conditions d’accueil en crèche, en particulier dans les crèches privées. D’après les auteurs, le scandale est semblable à celui des Ehpad dénoncé dans le livre Les fossoyeurs.

L’enquête menée par les deux journalistes Gastaldi et Périsse, qui ont écrit Le prix du berceau, confirme ce que les salariés des crèches dénoncent depuis des années : ces lieux sont devenus des « usines à bébés » où la rentabilité prime sur le bien-être de l’enfant.

La responsabilité en incombe avant tout aux gouvernements successifs qui ont allégé les règles d’encadrement des enfants. Aujourd’hui, elles imposent un professionnel pour cinq enfants ne marchant pas, et un pour huit enfants qui marchent. Les professionnels exigent, eux, un professionnel pour cinq enfants tous âges confondus.

À la fin des années 1990, c’est le gouvernement de gauche de Jospin qui a entamé la privatisation des crèches. La baisse des dotations de l’État aux communes a d’abord tari les moyens permettant d’ouvrir des crèches publiques. Parallèlement, l’État a déroulé le tapis rouge aux entreprises privées en leur offrant des subventions pour l’investissement, qui viennent aussi des Caisses d’allocations familiales. Ces allocations font que, dans les crèches conventionnées, le reste à charge pour les familles est le même, que la crèche soit privée ou publique.

Des fonds d’investissement se sont vite engouffrés dans cette brèche : quatre groupes de crèches privées se partagent le marché, dont deux, Babilou et Les Petits Chaperons rouges, sont dirigés par de tels fonds, dont l’objectif est la rentabilité. Dans ce but, les crèches font du surbooking et vont même jusqu’à badger les enfants par heure. Les directeurs sont fortement incités à prendre un, voire deux enfants de plus que les capacités prévues, en misant sur l’absence d’un enfant. Ils prévoient également moins de repas. Certains parents se sont aperçus que leurs enfants avaient faim et se jetaient sur la nourriture une fois rentrés. De la même manière, certains directeurs font des économies sur les couches et poussent à ne pas changer les enfants.

Mais c’est surtout sur le personnel que les crèches font le plus d’économies. Les auxiliaires de puériculture sont mal payées et le gouvernement a assoupli les règles d’embauche, en autorisant du personnel non formé. Les salariés sont en nombre insuffisant et soumis à des contraintes absurdes, comme celle de chronométrer le temps de repas des enfants. Dans ces conditions, du directeur à l’employé de ménage, les salariés craquent. Une directrice de crèche raconte que les subventions pour les jouets dépendaient de son taux de remplissage et ajoute : « À la fin, bêtement, je voyais des dollars au-dessus de la tête des enfants. Je me disais : “Il faut faire du chiffre, comme ça, on peut acheter des jouets, on peut faire des choses”. C’est triste. »

La ministre Aurore Bergé s’est sentie obligée de réagir. Elle a convoqué la semaine prochaine les quatre grands groupes pour exiger des changements, dit-elle. Même les bébés savent qu’il n’en sortira rien !

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