Russie : un avertissement “explosif”30/08/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/09/2874.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : un avertissement “explosif”

Deux mois après la rébellion avortée de Prigojine et de ses 20 000 mercenaires de Wagner, lui et ses adjoints ont trouvé la mort dans l’explosion de leur avion. C’est un sanglant avertissement que le Kremlin adresse à tous ceux, dans et autour du pouvoir, qui auraient envie de le contester, et au-delà à toute la population qui a de plus en plus de raisons de montrer son mécontentement.

Si les modalités de cet attentat restent obscures, ses raisons sont claires. Poutine ne pouvait laisser en vie le mafieux sanguinaire qui l’avait si bien servi pendant des années, notamment en Syrie, en Afrique et en Ukraine avec sa milice Wagner. Mais ce gangster qu’il avait promu venait, selon les mots du chef du Kremlin, de lui « planter un couteau dans le dos ».

Prigojine a eu beau dire qu’il ne visait que le ministre de la Défense et le chef de l’état-major, pour leur sabotage de « l’opération spéciale » en Ukraine, c’est Poutine et son pouvoir que défiait sa marche sur Moscou. Et ce qu’elle a étalé au grand jour, ce sont des luttes de clans dans les « structures de forces » (armée, police, services de renseignement…), les piliers du pouvoir de Poutine.

La rébellion a tourné court. Mais cet été, des limogeages en série dans la haute hiérarchie militaire ont montré que, si Prigojine n’en avait pas reçu un soutien actif, de hauts gradés partageaient ses critiques. Poutine ne pouvait laisser en vie celui qui avait cristallisé la mise en cause de son autorité, de sa légitimité de chef de la bureaucratie affairiste au pouvoir.

Le porte-parole de Poutine a dénoncé « le mensonge absolu » qui lui attribue ce « tragique accident d’avion ». Comme si, depuis fin 1999 que Poutine siège au Kremlin, il n’y avait pas déjà une longue liste de morts violentes parmi ceux qui se sont mis en travers de sa route ! Depuis la guerre en Ukraine, une quinzaine d’oligarques ont péri dans des conditions plus que suspectes pour avoir, semble-t-il, critiqué cette guerre.

Poutine se montre maintenant dans tout le pays, et plus seulement à la télévision, pour affirmer qu’il reste aux commandes. Mais comme on n’est jamais trop prudent, il vient d’exiger de tous les paramilitaires, car il n’y a pas que ceux de Wagner, qu’ils jurent fidélité et loyauté au pouvoir, et de « suivre strictement les ordres des commandants et des supérieurs » comme le font les hommes de l’armée régulière.

Ce que vaut cette garantie, l’avenir le dira. En tout cas, ces derniers temps, des soldats ont protesté parce qu’ils n’étaient plus payés, comme à Orenbourg. Et, un comble pour le pouvoir, même des OMON – des CRS mobilisables d’office, comme tous les policiers – se sont plaints eux aussi de ne pas toucher leur solde.

Cela ne fait pas les affaires de l’état-major quand des rumeurs annoncent une prochaine nouvelle mobilisation de 400 000 hommes. L’armée a carte blanche pour écumer les centres de détention, comme Prigojine l’avait fait, et pour mobiliser des travailleurs venus d’ex-républiques soviétiques ayant obtenu la nationalité russe.

Mais cela ne suffira pas. Dans la grande ville de l’automobile, Togliatti, il était prévu de trouver 2 000 de ces « volontaires ». Il n’y en a eu que 250, malgré la promesse d’un bon salaire et d’une formation de trois mois avant l’envoi au front !

En Russie, comme d’ailleurs en Ukraine, la guerre ne fait pas ou plus recette. Et d’abord parce que ses effets, outre toujours plus de blessés et de tués, s’aggravent sur la population.

Ici ou là, des grèves éclatent pour des salaires impayés depuis des mois, des manifestations ont lieu contre des coupures d’électricité comme au Daghestan à la mi-août. Et partout l’inflation s’emballe, car la fuite de capitaux excède ce que le commerce extérieur rapporte en devises.

Le 15 août, la banque centrale a porté son taux directeur à 12,5 % pour tenter d’enrayer la chute du rouble qui, depuis janvier, frise 25 %. Les prix s’envolent. L’institut russe des statistiques vient de relever qu’en 2022 la consommation alimentaire des jeunes familles a baissé en volume de 8 à 22 %, mais augmenté en coût de 5,4 %, pour représenter 29,3 % de leur budget.

Tout cela pourrait accroître les raisons que la population laborieuse a de demander des comptes au régime, celui de ses oppresseurs et exploiteurs.

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